L’impact de la mission et le Comité de rapprochement franco-espagnol

Dès son retour, Pierre Imbart de La Tour s’emploie à promouvoir un comité académique qui tisserait des liens durables avec les Espagnols. Avec le soutien de Pierre Paris, il a l’idée de créer un comité qui serait composé de membres français et d’un second comité, composé de membres espagnols, l’ensemble prendrait le nom de « Comité de rapprochement franco-espagnol ». Il s’adresse à l’élite du pays, citons par exemple, Morel-Fatio, Ramón Menéndez, Pidal Gómez Ocàna, Rafael Altamira, Jacinto Octavio Picon, Miguel Blay, Gonzalo Bilbao, Américo Castro, Adolfo Gil y Morte et Manuel Azaňa.

Ceux-ci sont reçus par les membres de l’Institut le 21 octobre 1916 tandis qu’une mission économique française, menée par Charles Lallemand part en Espagne à partir du 7 novembre.

Cette succession d’échanges conduit à penser que la mission est un succès. Pierre Imbart de La Tour, dans un article paru dans le Bulletin hispanique, ne tarit pas d’éloges sur l’accueil chaleureux qui leur a été réservé avant d’ajouter « Nous portions à l’Espagne le salut de la France intellectuelle (…) pas une voix hostile ne s’est élevée » (1), c’est bien sûr sans compter la presse conservatrice qui se déchaîne juste après. Henri Bergson est plus mesuré sur l’impact de la mission au niveau diplomatique, il confie à la presse parisienne que « l’Espagne, nation noble ne sortirait pas de sa neutralité mais qu’elle s’inclinerait de plus en plus vers nous ». En effet, si les Espagnols sont admiratifs de la victoire définitive des Français à Verdun, ce n’est pas pour autant que les envoyés de l’Institut ont réussi à convertir les germanophiles, et les problèmes de l’année 1917 ne les aident pas. Bien que les États-Unis aient rejoint les forces alliées, les Espagnols sont préoccupés par ce conflit qui ne cesse de durer.

Pour renforcer ses liens avec l’Espagne, le Comité a l’idée de fonder un lycée français avec internat à Madrid afin d’éviter l’envoi en France de jeunes Espagnols. Pierre Paris est chargé de sa mise en œuvre au sein de « l’Office des Écoles françaises à l’étranger », nouvellement créé. Selon les vœux exprimés par le roi, une exposition de peinture française voit le jour, d’abord à Barcelone, puis sous la houlette de Léon Bonnat et François Flameng, à Madrid en mai 1918. La présence française en pleine offensive allemande prouve que l’Espagne a confiance en l’issue de la guerre. Par souci de réciprocité, une exposition de peintures espagnoles ouvrira ses portes au Petit Palais en 1919 après la Conférence de la Paix dont les pays neutres sont écartés.

Cependant la fin de la guerre permet à des projets de voir enfin le jour, et c’est le cas pour la Casa Velasquez.

Un décret royal du 22 mai 1919 donne enfin un terrain de 4 hectares pour la construction d’une Maison. Le financement octroyé par Louis Barthou, membre du Comité se trouvant à la tête du Quai d’Orsay et la venue d’Alphonse XIII à Paris, sont autant de promesses pour le projet mené par Pierre Paris, son défenseur et bientôt, premier directeur. La première pierre est posée le 22 mai 1920, soit tout juste un an après la signature du décret. La Casa est ouverte en 1929, sans Imbart de La Tour, condamné à ne pas contempler le fruit de ses efforts.

La Casa Velasquez sera détruite en 1936 pendant la guerre d’Espagne puis reconstruite.

Ce qui reste le plus dans les mémoires, est incontestablement, la construction de la Casa Velasquez. Si les membres de l’Institut ont essayé d’influencer la résolution du conflit, leur brillant succès réside dans l’édification de cet Institut français.