Les travaux du Comité d’études et les questions de frontières et de nationalités en Europe

Inventaire du fonds

En juin 2015 est paru l’ouvrage
"LES EXPERTS FRANÇAIS ET LES FRONTIÈRES D’APRÈS-GUERRE. Les procès-verbaux du comité d’études 1917-1919.", supplément au Bulletin de liaison des membres de la Société de Géographie – juin 2015".

Dès le printemps 1915 le président de la République, Raymond Poincaré, avait demandé à son confrère de l’Institut Charles Benoist, parlementaire et juriste éminent, d’étudier « d’après les données de la géographie et les leçons de l’histoire les bases du futur traité de paix... dans l’hypothèse d’une paix victorieuse ».

Dans un premier temps, Charles Benoist, se rendant compte de l’énormité de la tâche et de la nécessité d’un travail collectif, et comme la victoire paraissait une perspective très lointaine, ne donna pas suite. Mais en janvier 1917 Aristide Briand, encore président du Conseil, pressa Charles Benoist de reprendre le projet. Cette fois-ci Charles Benoist s’exécuta et constitua un « Comité d’études », formé des plus grands professeurs historiens et géographes de la Sorbonne et de l’École des Sciences politiques, et présidé par Ernest Lavisse, le chef de file de l’École historique française à l’époque et membre de l’Académie française.

Un confrère de Charles Benoist à l’Académie des sciences morales et politiques, Arthur Chuquet, contribuait avec Lavisse, Vidal de La Blache et Benoist à la présence de l’Institut au sein du Comité. Celui-ci, qui finit par compter 33 membres, travailla en liaison étroite avec le Quai d’Orsay et le Service géographique de l’Armée, dont le chef, le général Bourgeois, comptait d’ailleurs parmi ses membres (outre l’apport technique du Service géographique, le général Bourgeois était l’œil de l’État-major dans les séances du Comité d’études).

Des réunions hebdomadaires, 47 au total, se tinrent de janvier 1917 à juin 1919, portant sur les questions historiques, géographiques, ethnographiques posées par l’ensemble des frontières européennes (pas seulement l’Alsace-Lorraine et le Rhin) 1

Chaque réunion faisait l’objet d’un procès-verbal détaillé, et l’ensemble constitue un captivant tableau des conceptions françaises en vue de l’après-guerre à propos des frontières européennes. 2
Deux volumes, à tirage réduit (500 exemplaires) et destinés en fait aux administrations, recueillirent les résultats de ces travaux : Travaux du Comité d’études, L’Alsace-Lorraine et la frontière du Nord-Est, tome premier, Imprimerie nationale 1918, et Travaux du Comité d’études, Questions européennes, tome second, Imprimerie nationale, 1919.


On constate que les différentes commissions de la Conférence de la paix en 1919 ont très souvent fait appel aux membres du Comité d'études, à titre d’experts. D’une façon générale, tous les arguments en faveur de tel ou tel tracé d’une frontière sont présentés, qu’ils soient historiques, géographiques, économiques, ethnographiques, sont exposés, de façon contradictoire et à partir d’un point de vue scientifique. C’est ce qui rend ces séances fort intéressantes, même si, souvent, l’argument d’opportunité politique et de l'intérêt français oriente finalement les conclusions. Mais les souhaits et orientations des différentes populations concernées sont notés, aussi objectivement que possible. Si parfois on recommande de ne pas en tenir compte, c’est très consciemment. Et tous les problèmes qui se poseront dans les années 20 et 30 auront d'avance été bien repérés...