Préface de Gabriel de Broglie,
chancelier de l'Institut de France,
à l'ouvrage
Séances publiques annuelles des Cinq Académies. 1914-1919.


Introduction

Georges-Henri Soutou

Membre de l'Institut, Académie des sciences morales et politiques

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 Sommaire


Depuis l’origine, tous les ans, le 25 octobre, date de la création de l’Institut de France en 1795, les cinq Académies qui le composent (Académie française, des Inscriptions et Belles-Lettres, des Sciences, des Beaux-Arts, des Sciences morales et politiques) se réunissaient pour leur séance solennelle de rentrée. La Grande Guerre n’interrompit pas cette tradition : ce sont les discours prononcés sous la Coupole du Quai Conti, lors des Rentrées solennelles de 1914 à 1919, qui sont rassemblés ici. (1)

Ces séances sont en fait l’une des rares manifestations communes des cinq Académies, qui sont fort indépendantes les unes des autres. Elles sont introduites par le président de l’Institut de France, élu pour un an (à ne pas confondre avec le Chancelier), qui prononce le discours d’ouverture. Y prennent ensuite la parole les cinq délégués des différentes Académies, désignés par les Bureaux de chacune de ces dernières (les Bureaux étant composés du président de l’Académie en exercice pour un an, du vice-président et du secrétaire perpétuel). (2)

Les rites n’ont pas changé depuis. Mais de nos jours un thème général est fixé pour les Rentrées solennelles. Il n’en allait pas de même à l’époque, chacun des délégués choisissant librement son sujet. Cela dit, les mœurs confraternelles de nos Académies font qu’il est parfaitement possible qu’une concertation informelle ait eu lieu, pour mieux assurer l’équilibre et l’intérêt des Rentrées, ou pour adresser au public un discret message. C’est en tout cas l’impression qui se dégage parfois à la lecture des discours.

Question connexe : comment étaient désignés en fait les délégués des Académies ? Sur quels critères étaient-ils choisis par les Bureaux ? Le choix n’était sans doute pas neutre, on va le voir. Mais on ne dispose d’aucune indication sur la façon dont les choses se passaient. On peut penser que le processus, du sondage initial de tel ou tel confrère à la décision finale, ne laissait rien au hasard. Il devait se frayer son chemin entre deux grands principes : on n’impose jamais rien à un Confrère, mais en même temps on ne refuse pas une proposition qui vous est faite...

Mais de toute façon il est clair, quelle que fût l’alchimie mystérieuse qui déterminait le processus, que la guerre dominait tout : à une exception près, de 1914 à 1918 tous les discours évoquent plus ou moins directement le conflit, l’orateur s’attachant à choisir son thème et à le développer de façon à établir un rapport avec l’actualité. Le scientifique présentera une infection microbienne comme une attaque en règle, à laquelle s’opposent les défenses de l’organisme. L’archéologue évoquera tel monument de l’Antiquité en Italie, victime des bombardements de l’artillerie autrichienne. Et parfois les auditeurs se trouvaient plongés en plein actualité, par exemple quand le juriste Louis Renault évoquait l’évolution du droit des gens à la lumière du conflit, ou quand Paul Deschanel, président de la Chambre mais aussi membre de l’Académie française, évoquait à mots couverts, en octobre 1916, les plus secrètes discussions gouvernementales au sujet des buts de guerre de la France.

En effet, « parlement des savants », l’Institut est aussi un organisme public étroitement lié à la société et au monde politique du temps, dont les différentes activités, par exemple, font l’objet d’une rubrique quotidienne dans Le Figaro. Ce triple environnement, savant, social, politique, fait toute la particularité de l’Institut, et tout son intérêt. Soulignons ici que de nombreux membres des Académies, souvent déjà proches ou même issus des milieux politiques, se mettront au service du Gouvernement dès le début du conflit, dans des domaines très variés, caritatifs, sanitaires, culturels, de propagande à l’étranger, etc. ... Ou participeront très concrètement à la réflexion sur les buts de guerre, ou encore à l’effort de guerre scientifique et industriel, comme certains membres de l’Académie des sciences. D’autre part la place des Académies dans la société ne se réduit pas à une certaine vision mondaine et parisienne : les biographies des orateurs lors des Rentrées solennelles montrent bien la diversité de leurs origines régionales et sociales.

N'oublions pas d’autre part que le président de la République, Raymond Poincaré, faisait partie de l’Académie française, tout comme le président de la Chambre des députés, Paul Deschanel, que deux présidents du Conseil qui se succédèrent en 1917, Alexandre Ribot et Paul Painlevé, étaient membres respectivement de l’Académie française et de l’Académie des sciences, que Clemenceau fut élu à l’Académie française le 21 novembre 1918 (il est vrai qu’il n’y siégea jamais). Ils comptaient des confrères parmi les ministres du temps de guerre, comme Denys Cochin, ou qui devaient être élus par la suite, comme Louis Barthou à l’Académie française en 1918. Certains jouèrent un rôle important auprès des administrations publiques, comme Clément Colson, économiste membre de l’Académie des sciences morales et politiques, spécialiste des transports et des équipements industriels, ou le géographe et historien Henri Hauser, membre correspondant de cette Académie et chargé au cabinet du ministre de l’Industrie Étienne Clémentel du blocus des pays ennemis et de la réflexion sur les buts de guerre économiques, ainsi que de la mise sur pied de régions économiques, première tentative de régionalisation du pays. (3)

L’Institut est donc immergé dans le pays et dans sa vie politique, tout autant que dans l’environnement intellectuel, scientifique, artistique et culturel du temps. Il n’est pas désincarné, bien au contraire. Que cette situation, entre l’action immédiate et la réflexion intemporelle, puisse être parfois ambiguë ou même contradictoire est évident. En même temps, cette tension interne est particulièrement révélatrice dans une France en guerre, qui traverse l’une des épreuves les plus difficiles de son histoire. Les passions à vif sont certes présentes dans ces discours, et les orateurs n’échappent pas à l’atmosphère et aux préjugés du temps. Ils sont frappés par des deuils au sein de leur propre famille, comme l’ensemble de la population. Ils participent de la détresse générale. Mais on voit aussi chez eux le souci de comprendre les événements, de réfléchir au présent, d’en tirer des conclusions pour l’avenir. Le ton est certes parfois « académique », mais souvent aussi beaucoup plus direct et dru, si on veut bien se replacer dans la langue et le style, et aussi la pudeur morale de l’époque. Et il est fondamentalement toujours très libre. C’est pourquoi ce recueil de discours constitue un document essentiel pour la compréhension de la « Grande Guerre des Français », selon le titre de l’ouvrage de Jean-Baptiste Duroselle. (4)

La déclaration de guerre et la mobilisation.

Dès le 3 septembre, l’Institut décidait de ne pas interrompre ses séances, malgré la guerre. (5) De nombreux membres s’étaient mis immédiatement à la disposition du Gouvernement. Celui-ci chargea par exemple deux députés, Charles Benoist (membre de l’Académie des sciences morales et politiques) et Louis Barthou (futur académicien français), de coordonner l’action des trois grandes associations de secours aux blessés (l’Association française de secours aux blessés, les Dames de France, les Femmes françaises). (6) Gabriel Hanotaux, de l’Académie française, et Paul Appell, cette année-là président de l’Académie des sciences et président de l’Institut, fondèrent un « Comité de secours national » destiné à aider les personnes que la guerre mettait en difficulté. Les associations de la Croix-Rouge et leur Comité central, présidé par le marquis de Voguë, de l’Académie française, mettaient sur pied en huit jours 250 000 lits pour les blessés (l’Institut créa pour sa part deux hôpitaux auxiliaires, l’un à Chantilly, l’autre à la Fondation Dosne-Thiers, Place Saint-Georges à Paris). (7)

Citons également Paul Painlevé, qui, comme ministre de l’Instruction publique dans le Gouvernement Briand formé en octobre 1915, créa en novembre la Direction des Inventions intéressant la Défense nationale, chargée d’assurer la mobilisation scientifique et la coordination des laboratoires, et à laquelle fut rattachée la Commission supérieure des Inventions. Le numéro deux de la Direction était Jean Perrin, futur membre de l’Académie des sciences. (8) D’autres futurs membres de l’Académie des sciences participèrent de façon essentielle aux progrès scientifiques et techniques liés à la guerre (Paul Langevin pour le repérage des sous-marins, en mettant au point l’ancêtre de l’ASDIC (9), Georges Claude en travaillant sur les applications de l’oxygène liquide et les gaz rare...).

La première séance publique du temps de guerre des cinq Académies (26 octobre 1914) : la guerre du Droit.

La rentrée solennelle du 26 octobre 1914 fut présidée par Paul Appell, qui rappela sa double qualité d’Alsacien et de Strasbourgeois. Il souligna que l’Institut avait tenu à rester à Paris et à y poursuivre ses travaux (ce passage a dû être remarqué par l’auditoire : rappelons que le Gouvernement était parti pour Bordeaux, ce que beaucoup avaient critiqué ; il ne devait rentrer que le 20 décembre). Son discours présenta un des tout premiers argumentaires justifiant la position de la France en guerre, selon des thèmes qui ne varieront guère dans le discours officiel jusqu’à la fin du conflit : la France, patrie des Droits de l’Homme, se battait pour les droits de l’humanité, pour la liberté, pour la justice. Elle reprenait son « rôle séculaire » pour la libération des provinces ou pays annexés contre leur gré depuis le XVIIIe siècle (et là Appell allait plus loin dans la précision que ne le faisaient les responsables politiques à l’époque : « l’Alsace-Lorraine, le Schleswig-Holstein, le Trentin et Trieste, la Bosnie, l’Herzégovine, la Transylvanie, les parties séparées de la Pologne » ; cette dernière formule embarrassée correspondant évidemment au fait que la Pologne du Congrès avait été englobée par les traités de Vienne dans l’Empire russe allié : on pouvait tout au plus parler d’y rattacher les régions annexées par la Prusse et l’Autriche, on ne pouvait pas proclamer le souhait de voir la Pologne réunifiée et rétablie dans son indépendance...).

Face à la France, l’Allemagne, très organisée, hiérarchisée, qui s’était minutieusement préparée au conflit, estimait que la Force crée le Droit. Berlin voulait réorganiser et diriger l’Europe et l’Amérique sous sa férule, dans un monde « organisé comme un cuirassé, où tout se ferait avec méthode, régularité et soin (…) les autres peuples (…) étant admis à vivre en vassaux dociles, dans une prospérité sans dignité et sans honneur ». On remarque au passage que le Reich et son évolution faisaient l’objet d’une étude attentive : Paul Appell était sensible à sa particularité, qui était la mise au service d’un système politique et social archaïque, où la noblesse militaire jouait encore un rôle prédominant, d’une organisation industrielle, technique, scientifique, économique ultramoderne, la combinaison des deux générant un impérialisme d’un type nouveau. (On devait retrouver la même analyse, mais très développée, dans le discours prononcé par Henri Bergson, président de l’Académie des sciences morales et politiques, lors de la séance publique de cette dernière, le 12 décembre 1914). (10)

Le ton était certes dur, mais il tranchait sur les dérives chauvines antiallemandes, frôlant parfois une forme de racisme, si fréquentes à l’époque. Il était plutôt plus éclairé et ouvert sur l’avenir que ne l’étaient les délibérations gouvernementales à l’automne 1914. Le 20 septembre 1914 le conseil des ministres, après un échange avec Petrograd, avait décidé « que le Gouvernement de la République ne pouvait s'engager à considérer la guerre comme terminée, le jour où serait évacué par l'ennemi le territoire national, y compris même l'Alsace-Lorraine, et qu'il devrait se montrer aussi résolu que la Russie à en finir avec l'hégémonie du militarisme prussien ». Le 21 septembre, le lendemain de cette prise de position du conseil des ministres, Delcassé avait télégraphié à Petrograd : « L'armée française ne limitera pas son effort à la frontière de la France ni même de l'Alsace-Lorraine, mais elle poursuivra sa marche à la rencontre de l'armée impériale jusqu'au jour où les gouvernements alliés pourront obtenir pour leurs nations toutes les réparations légitimes et instituer en Europe un état nouveau qui garantisse pour de longues années la paix du monde ». Là, c'était très clairement une allusion à l’établissement d’un nouvel équilibre politique et territorial européen, auquel l'Allemagne serait subordonnée. (11)

Le ton du discours de Paul Appell était différent : certes, il faudrait qu’il ne subsiste « aucune caste militaire » (pas seulement prussienne donc...). La paix future ne reposerait pas uniquement sur un rééquilibrage de l’Europe au détriment du Reich, mais également sur « les garanties essentielles du droit et de la civilisation ». C’était une allusion à la mise en place d’un nouveau système international, comme des juristes internationaux et des hommes politiques, parmi eux Léon Bourgeois, l’un des « caciques » de la IIIe République, commençaient à l’imaginer depuis la fin du XIXe siècle. Et surtout, selon Appell, ce système pourrait accueillir l’Allemagne, lorsqu’elle aurait accepté de se transformer dans un sens pacifique.

Le contraste avec le discours de René Doumic, délégué de l’Académie française, « Le soldat de 1914 », beaucoup plus conventionnel et dans l’esprit des clichés de l’époque, sans doute aussi inspiré par le soulagement éprouvé après la victoire de la Marne (12), fera prendre conscience au lecteur de ce que les propos d’Appell pouvaient avoir de réfléchi et de novateur. Les contributions des délégués des autres Académies traitaient en fait de sujets fort académiques, qui auraient pu être abordés en d’autres temps, mais que quelques phrases plus ou moins bien venues rattachaient à l’actualité (ainsi le parallèle entre les Vierges du Parthénon et les Vierges de Reims dans le discours de Homolle, de l’Académie des beaux-arts). Mais le plus important dans cette séance fut une longue étude de Louis Renault, de l’Académie des sciences morales et politiques, spécialiste de droit international et jurisconsulte du Quai d’Orsay : « La guerre et le droit des gens au XXe siècle ». Fait exceptionnel, Louis Renault intervenait comme « délégué de l’Institut » dans son ensemble, non pas de sa propre académie, et à l’invitation, déclara-t-il d’entrée, de Paul Appell (celui-ci voulait-il réagir contre les tendances de toute évidence encore très « académiques » et éloignées de l’actualité de certains de ses Confrères ?). Louis Renault revenait d’une mission en Belgique et dans le nord de la France, où il avait pu constater les manquements des troupes allemandes à certaines stipulations du droit de la guerre. Il décrit l’évolution de celui-ci depuis la convention de Genève de 1864 au sujet des militaires blessés sur le champ de bataille, jusqu’aux conférences de La Haye de 1899 et 1907. Et il rappela très exactement la situation en droit international des pays neutres, en particulier de la Belgique. En fait c’est tout le dossier contentieux au début du conflit qu’il établit, la première pierre de la partie juridique, essentielle, de la position et des thèses françaises pendant la Grande Guerre. Par exemple le Quai d’Orsay releva très soigneusement tous les cas de crimes de guerre dont on eut connaissance, ce qui était tout à fait nouveau. La notion de crimes de guerre est apparue justement au cours de ce conflit et a été retenue dans le traité de Versailles : les brutalités allemandes en Belgique ou dans le nord de la France, en fait pas plus graves que dans les conflits antérieurs, ont suscité une vive réaction, au lieu de la résignation fataliste des générations antérieures (13). Les juristes français, à commencer par Louis Renault, y contribuèrent puissamment. On peut dire que la guerre du Droit a été proclamée par l’Institut de France dès le 26 octobre 1914.

Certes, d’autres académiciens se montraient beaucoup plus franchement nationalistes et recouraient à des accents forts guerriers. On citera bien sûr le cas caractéristique de Maurice Barrès dans L’Écho de Paris (14), ou d’Henri Lavedan, dans ses contributions également au même journal et dans l’Illustration. On remarquera que l’Institut ne leur donne pas la parole. Par contraste, considéré collectivement, il paraît plus prudent, et surtout il n’oublie jamais les dimensions morales et juridiques du conflit. En particulier c’est au nom de ces dernières qu’il mène le combat des idées : la vie intellectuelle et culturelle allemande, la « pensée allemande » selon l’expression de l’époque (15), ne sont pratiquement jamais attaquées en tant que telles, contrairement à une tendance bien ancrée chez certains intellectuels nationalistes à l’époque. Cette génération d’Académiciens savait trop ce qu’elle devait à la pensée et à la science allemandes, et se souvenait de l’influence de celle-ci en France après 1870 (16). En particulier l’Académie des sciences morales et politiques avait accueilli dans ses rangs Charles Renouvier (1815-1903), introducteur du kantisme en France et fondateur de l’idéologie immanente de la IIIe République.

La question de l’exclusion des membres correspondants ou associés des pays ennemis.

Le 26 octobre, Louis Renault avait précisé qu’il parlait bien au nom de l’ensemble de l’Institut, mais que l’Académie des sciences morales et politiques lui avait confié « la mission expresse de porter sa protestation contre ces actes abominables » commis en Belgique et dans le nord de la France. Mais certains de ses Confrères estimèrent que cette simple phrase de protestation, noyée dans un long exposé juridique et exprimée en termes modérés (« je ne veux rien dire qui ressemble à de la polémique... ») manquait de vigueur. Lors d’un comité secret de l’Académie des sciences morales et politiques le 31 octobre, on décida de rédiger et de publier une protestation beaucoup plus vigoureuse contre l’Allemagne, flétrissant « la violation des traités et les attentats de tout genre contre le droit des gens (...) commis par le gouvernement impérial allemand et par les armées allemandes », et condamnant « une régression à l’esprit barbare » (17). Les autres Académies protestèrent solennellement dans des termes très comparables à peu près à la même date (variant en fonction de leur jour de séance).

À l’occasion du comité secret de l’Académie des sciences morales et politiques le 31 octobre, la question des membres correspondants allemands de la Compagnie avait été posée. Fallait-il les exclure ? On remarquera que ni celle-ci ni les autres Académies (la Française, n’ayant pas de correspondants, était hors de cause) ne décidèrent d’exclure les membres correspondants allemands en tant que tels, par principe. Une telle exclusion systématique n’était pas dans l’esprit académique libéral de l’époque. Mais la signature en Allemagne du « manifeste des intellectuels » le 4 octobre par quatre-vingt-treize sommités du monde universitaire allemand, dont de nombreux correspondants des Académies, suggéra la solution : on éliminerait les signataires de ce texte, considéré comme incompatible avec l’appartenance à l’Institut, car il niait la responsabilité de l’Allemagne dans le déclenchement du conflit, et tous les manquements aux traités et au droit des gens dont on accusait le Reich, et se solidarisait complètement avec la politique de celui-ci, en justifiant un « militarisme » fièrement revendiqué par la nécessité de défendre la « civilisation » allemande (18).

Et ce fut ainsi que l’on procéda : les Inscriptions et Belles-Lettres furent les premières, dès le 23 octobre 1914, à exclure les associés ou correspondants allemands, suivies par les Beaux-Arts le 5 décembre, l’Académie des sciences morales et politiques le 6 mars 1915, l’Académie des sciences le 15 mars. Au total, sur quarante membres associés ou correspondants allemands, quatorze seulement furent écartés. Et un seul Autrichien.

Cela dit, même ainsi, en se limitant aux signataires du manifeste des 93, la chose n’était pas facile pour ces légalistes qu’étaient les Académiciens : rien en effet dans les statuts ne prévoyait la radiation éventuelle de membres. On prendra le cas de l’Académie des sciences morales et politiques. Le 20 février 1915, certains de ses membres demandèrent que l’on radie les correspondants allemands signataires du manifeste. Étant donné la difficulté juridique, c’est-à-dire le fait que les correspondants étaient élus à vie, on décida de confier la question à la section de législation et de jurisprudence. Celle-ci rendit son rapport lors d’un nouveau comité secret, le 27 février. Elle exposa que les règles générales du droit faisaient qu’aucun corps ou association ne pouvait être contraint de conserver un membre jugé indigne, mais qu’il convenait, pour éviter tout précédent fâcheux, d’éviter tout automatisme et de procéder comme pour une élection : un rapport de la section concernée pour chacun des correspondants en cause, au cas par cas, et un vote pour chacun d’entre eux par l’ensemble de l’Académie. Ainsi fut-il fait le 6 mars. (19)

La rentrée solennelle du 25 octobre 1915 : la prise de conscience d’une guerre longue.

La séance publique du 25 octobre 1915 fut davantage inscrite dans la guerre que celle de l’année précédente. Le président de l’Institut, Léon Bonnat, marqua en effet dans son discours sa douloureuse surprise de voir se prolonger un conflit que l’on voyait encore, l’année précédente, se terminer avant Noël. Le discours du délégué des inscriptions et belles-lettres, Franz Cumont, consacré à « La romanisation de la Belgique dans l’Antiquité », ne manqua pas de développer le thème de l’opposition à la Germanie auquel on pouvait s’attendre, mais sans cela son exposé était de facture tout à fait classique et éloigné de l’actualité. Cependant par le choix de l’orateur, associé étranger et citoyen belge, l’Académie des inscriptions avait voulu, Franz Cumont l’indique lui-même, rendre spécialement hommage à la Belgique. (Il est rarissime qu’un associé étranger prenne la parole ainsi lors d’une rentrée solennelle).

Mais le discours de Dastre, délégué de l’Académie des sciences, était franchement consacré à un sujet d’actualité : « Les plaies de guerre et la nature médicatrice » ; il y exposait la lutte de l’organisme contre l’invasion microbienne en recourant à force analogies guerrières. D’une certaine façon aussi le discours très érudit de Charles Benoist, pour l’Académie des sciences morales et politiques, « Les Allemands peints par les maîtres de l’esprit français », portrait peu flatteur, on s’en doute. Beaucoup plus original et d’ailleurs émouvant le discours de Pierre Loti, pour l’Académie française, « À Soissons », récit d’une visite, au mois de septembre, de cette ville située sur le front, à peu près abandonnée par ses habitants, dans laquelle on ne pouvait pénétrer qu’en suivant les réseaux de tranchées établis par les troupes françaises. Cela permet à l’auteur d’évoquer Soissons et sa cathédrale, et aussi la vie dans les tranchées, symbole même de la guerre qui dure.

L’activité personnelle des membres de l’Académie : l’information du public sur la guerre, les efforts en direction des neutres.

Certains membres de l’Institut, afin d’informer le public dans les revues auxquelles ils participaient ou par leurs livres, prirent l’habitude de visites fréquentes au GQG de Joffre, à Chantilly, et auprès des différents grands chefs militaires. En particulier Gabriel Hanotaux (qui avait commencé, on l’a vu, une Histoire illustrée de la guerre de 1914 en fascicules bimensuels, paraissant fort peu de temps donc après les événements). Il en tira également une Bataille de la Marne, en deux volumes, et en 1929, avec la collaboration du lieutenant-colonel Fabry, un Joffre, le vainqueur de la Marne, qui reste à mon sens une excellente étude sur les méthodes stratégiques de Joffre. Marcel Prévost, lui aussi membre de l’Académie française, publia dans la Revue de Paris des articles dont la documentation provenait également de leurs visites à Chantilly. Citons également le peintre François Flameng, des Beaux-Arts, qui parcourait les armées à la recherche de l’inspiration. (20)

Bien sûr un enjeu primordial était de gagner les neutres à la cause alliée, à commencer par l’Italie, sans oublier le Saint-Siège, autorité morale d’une autre nature mais considérable, avec lequel la France n’entretenait plus de relations officielles depuis 1904. À la demande du Gouvernement, Charles Benoist, membre de l’Académie des sciences morales et politiques mais aussi de la Chambre des députés, se rendit à Rome, où il disposait depuis ses grandes enquêtes sur les systèmes politiques et électoraux en Europe, de nombreux contacts, aussi bien dans la Rome officielle qu’au Vatican. Il y resta du 23 janvier au 25 février 1915 et envoya au Quai d’Orsay une correspondance nourrie et très informée, suivie d’une Relation d’un voyage d’étude à Rome, qu’il remit le 1er mars à Poincaré, au président du conseil Viviani et au ministre des Affaires étrangères Delcassé. (21) Il fit en novembre-décembre 1915 un second voyage transalpin, qui lui permit d’étudier les orientations et les projets des dirigeants italiens après l’entrée en guerre de leur pays (22).

Il fut suivi, en avril 1915 puis de nouveau en mars 1916, par Gabriel Hanotaux, qui, lui aussi à la demande et en lien étroit avec le Gouvernement, multiplia les contacts avec les milieux politiques romains et avec le Vatican. (23) Hanotaux et Benoist, soulignons-le, rencontrèrent tout ce qui comptait, y compris le roi d’Italie et le pape. Leurs correspondances et mémoires constituent encore aujourd’hui une source essentielle, au moment où l’Italie s’apprêtait à signer le traité de Londres d’avril 1915 et à entrer en guerre aux côtés des Alliés.

Un autre neutre important était l’Espagne. À l’automne 1916 une mission composée de membres des différentes Académies s’y rendit pour un voyage politico-culturel étendu, qui aboutit à la création d’un Comité franco-espagnol et qui fut à l’origine lointaine de la création à Madrid, en 1928, de la Casa de Vélasquez (24). Mais bien d’autre missions d’Académiciens eurent également lieu, soit vers les Alliés, soit vers d’autres neutres, comme la Suisse ou la Roumanie (avant son entrée en guerre en 1916). (25)

Pierre Imbart de la Tour, très engagé du côté de l’Espagne, le fut également dans une affaire qui avait considérablement ému les milieux cultivés : l’incendie de la bibliothèque de l’Université catholique de Louvain lors de l’invasion de la Belgique, le 25 août 1914. Il suscita, avec Etienne Lamy, secrétaire perpétuel de l’Académie française, la création d’un Comité international de l’Œuvre de Louvain, qui prit en charge la reconstruction de la bibliothèque et la constitution d’un nouveau fonds, comité dont il fut le secrétaire général. Le recteur de l’Université catholique de Louvain, Paulin Ladeuze, lui écrivit le 24 décembre 1918 en ces termes caractéristiques du langage du temps, mais aussi du choc profond que fut la Grande Guerre :

Monsieur le Secrétaire général,

Au milieu de la désolation où l’ont plongée les crimes de la culture allemande, l’Université catholique de Louvain n’aurait pu rêver un réconfort plus puissant que de se voir l’objet de tant de sympathies de la part de toutes les nations du monde civilisé (…).

L’hommage de sa gratitude, dont nous prions de vouloir bien être l’interprète, doit aller en tout premier lieu à la plus illustre des corporations scientifiques, à l’Institut de France. N’est-ce pas en effet à l’initiative de celui-ci que s’est formé un comité international groupant les noms les plus estimés dans les divers milieux intellectuels, en vue de relever de ses ruines la bibliothèque de l’Université de Louvain et d’en faire, par l’abondance et l’éclat de ses richesses nouvelles, un foyer de lumière et un monument impérissable des protestation indignées de la conscience universelle contre les forfaits perpétrés par une soldatesque barbare ? (26)

L’affaire de la bibliothèque de Louvain était importante, car elle correspondait à la fois à une possibilité de mettre en valeur les manquements allemands au Droit des gens, et donc d’illustrer la défense du Droit par les Alliés, et aussi de promouvoir l’amitié franco-belge, thème crucial car Paris espérait bien après la guerre amener Bruxelles à renoncer à la neutralité et à établir avec Paris des liens politiques, économiques et militaires étroits. À ce sujet, une lettre de remerciement adressée à Imbart de la Tour par le comte Archot, le chef de cabinet du roi des Belges, le 9 décembre 1918, au nom du roi, est très caractéristique. (27) Ajoutons que le cardinal Mercier, archevêque de Malines, grande figure de la Belgique en guerre, fut reçu comme membre associé étranger de l’Académie des sciences morales et politiques en février 1919.

Y avait-il des Académiciens opposés à la guerre ? Le cas Anatole France.

S’il serait excessif de parler de conformisme, il existait tout de même une tendance quasi générale au sein des Académies à soutenir la guerre et la défense nationale (avec d’importantes nuances dans la perception de la nature du conflit et surtout, on va le voir, de l’issue de celui-ci et du type de paix à restaurer). Ce qui n’empêchait pas néanmoins chez certains beaucoup de lucidité sur le désastre que représentait la guerre : on se souvient d’une phrase du futur maréchal Lyautey, membre de l’Académie française depuis 1912, explosant devant ses officiers le 3 août : « Ils sont complètement fous ! Une guerre entre Européens, c’est une guerre civile ! C’est la plus monumentale ânerie que le monde ait jamais faite ! ». (28)

En fait on note un seul véritable opposant au sein de l’Institut, qui s’affirmait comme tel depuis l’Affaire Dreyfus d’ailleurs : Anatole France. De février 1900 à 1916, à cause de l’Affaire et de ses prolongements, il refusa de siéger sous la Coupole. (29) Dans les quatre tomes de son Histoire contemporaine (1897-1901), il avait assez bien prévu le caractère extrêmement violent de la guerre future. Il n’est donc pas étonnant que son opinion ait progressivement évolué vers une opposition de plus en plus résolue à la guerre. Conservant sa liberté d’esprit habituelle, il suscita même très tôt un incident remarqué. Début octobre 1914, après le bombardement de la cathédrale de Reims par les Allemands, il publia dans la presse une lettre de protestation, mais qui s’achevait en demandant qu’après la guerre « on admette de nouveau les Allemands dans notre amitié ». (30) Cette phrase fut diversement appréciée, on s’en doute, même si France, imbu de culture classique et d’histoire antique, avait simplement voulu rappeler la méthode de pacification des Romains après leurs victoires, afin de s’attacher les cités vaincues... (31)

Cependant la réalité est beaucoup plus complexe que l’image d’un Anatole France pacifiste, dès le début totalement opposé à la guerre et aux dirigeants qui la menaient, que l’on a retenue en général. Il publia en 1915 un recueil de textes et de diverses correspondances, Sur la voie glorieuse, d’une tonalité très ferme, saluant le roi des Belges en héros et rejetant en particulier l’idée d’une paix bâclée, qui laisserait intacte la puissance militaire allemande. (32) À l’occasion du 14 juillet 1915, il relia le combat de la France pour sa liberté à la révolution de 1789, appelant à lutter « jusqu’à l’entière victoire de la justice sur l’iniquité, de la civilisation sur la barbarie, de la liberté des peuples sur les monstrueux attentats d’un militarisme oppresseur ». Ce discours, y compris l’évocation des grands ancêtres, était parfaitement dans l’esprit de l’époque, l’idéologie républicaine faisant partie intégrante du discours officiel, reliant 1789 à la guerre au nom du combat éternel pour la Liberté et pour la Patrie. Le ton du discours prononcé par Raymond Poincaré à l’occasion de la translation au Panthéon des cendres de Rouget de l’Isle, ce même 14 juillet 1915, n’est pas différent, et les deux interventions ont été d’ailleurs publiées dans la même brochure, sous le titre évocateur : Jusqu’au bout !(33)

Pour le 2 novembre 1915, le Jour des Morts, Anatole France prononça un discours tout à fait dans la tonalité dominante : « Frères, faisait-il dire aux morts, combattez, achevez notre ouvrage. Apportez la victoire et la paix à nos ombres consolées. Chassez l’étranger et ramenez vos charrues dans les champs que nous avons imbibés de notre sang » (34). Et le 22 juin 1916 encore, lors d’un hommage à l’Italie, entrée en guerre contre l’Allemagne un mois avant, hommage organisé à la Sorbonne, il prit la parole après Louis Barthou et avant l’ambassadeur d’Italie, Tittoni, d’une façon qui rappelait certes son amour de l’Italie (que l’on relise le Lys rouge !) et sa passion de la latinité (n’oublions pas qu’il avait parfois échangé compliments et poèmes avec Charles Maurras), mais qui était, du point de vue de la guerre, d’un patriotisme parfaitement de circonstance. À cette occasion il se réconcilia d’ailleurs avec l’Académie, et revint y siéger, au moins pour les élections aux sièges vacants. En effet il se retrouva assis lors de cette cérémonie à la tribune d’honneur, à côté de Paul Deschanel, avec lequel il avait rompu à l’époque de l’Affaire. Il lui fit un compliment quelque peu ironique, auquel le président de la Chambre répondit en lui ouvrant les bras, et en lui lançant un peu académique : « As-tu fini de te foutre de moi, Anatole ? » (35)

Seulement dans tous ses différents textes ou discours du début de la guerre il n’évoqua jamais, comme objectif du combat et de la victoire, que le refoulement de l’armée allemande au-delà de la frontière. Il ne fit jamais la moindre allusion à une remise en cause de l’unité allemande, ou à des modifications territoriales, comme beaucoup, au sein des milieux dirigeants, y pensaient. Son patriotisme était républicain, démocrate, et rigoureusement défensif. C’est sur ce dernier point, ce refus de buts de guerre ambitieux, qu’il s’opposait à beaucoup de ses confrères, on va le voir. D’autre part, passé l’été 1916, on ne note plus d’intervention publique de sa part, et il confessa par la suite avoir regretté ses initiatives du début de la guerre. En effet il en était arrivé à une véritable exécration de la guerre, qui ne devait plus le quitter et qui contribua certainement à le pousser encore plus loin « à gauche ». Mais une censure vigilante aurait empêché la publication de toute prise de position de sa part dans ce sens-là, il ne faut pas l’oublier. (36)

Par la suite, il protesta contre le Traité de Versailles, signant la déclaration du groupe Clarté intitulée « Contre la paix injuste », et publiée dans L’Humanité du 22 juillet 1919. Et en 1920, après la condamnation de Joseph Caillaux pour « correspondance avec l’ennemi », il lui écrivit une lettre de soutien chaleureuse. (37) Il comprenait parfaitement ce que les historiens admettent aujourd’hui : Caillaux avait peut-être été imprudent dans ses relations, mais il n’avait nullement trahi ni même prôné le défaitisme. Pour lui, il fallait trouver une troisième voie entre l'offensive à outrance et le défaitisme, entre des buts de guerre excessifs et une paix blanche : cette troisième voie rechercherait une victoire non pas frontale mais obtenue par un mélange de défensive prudente, de manœuvres indirectes et de négociations, victoire qui devrait comporter le retour de l'Alsace-Lorraine et des garanties de sécurité pour l’avenir, certes, mais plus modérées que le contrôle de la Rhénanie et la paix « carthaginoise » que comptaient exiger les milieux dirigeants (38). C’était de toute évidence au fond la position d’Anatole France lui-même. C’était là tout un autre secteur de l’opinion qui s’exprimait, certes fort étranger à l’orientation générale de l’Institut. Encore qu’en 1917 certains membres de celui-ci en vinrent à plaider pour une paix négociée, plutôt qu’une paix de victoire qui pouvait paraître cette année-là hors d’atteinte.

D’autre part les prises de position des Académiciens furent souvent critiquées, et assimilées au « bourrage de crânes » pratiqué par une bonne partie de la presse. Les polémiques se développèrent d’ailleurs après la guerre. Jean de Pierrefeu publia en 1923 un retentissant Plutarque a menti, dans lequel il critiquait très sévèrement non seulement l’État-major mais également et nommément René Doumic pour ses articles dans la Revue des Deux Mondes, et Gabriel Hanotaux pour ses différents ouvrages sur la guerre, les accusant d’avoir occulté ou justifié par conformisme toutes les erreurs du haut commandement. Le livre d’Hanotaux et du lieutenant-colonel Fabry, Joffre. Le vainqueur de la Marne, paru en 1929, est en fait une réfutation point par point de Plutarque a menti. Et pour que le lecteur ne s’y trompe pas l’ouvrage relève (p. 59) : « Plutarque n’a pas menti ». (39)

Or, il est très suggestif de constater que Pierrefeu, critique virulent de l’académisme botté, approuve Anatole France d’avoir cessé de siéger à l’Académie française, accréditant ainsi après la guerre l’idée (beaucoup trop schématique, on l’a vu) que France aurait été tout du long un opposant pur et simple :

« Es-tu jamais allé à l’Académie française ? Ils sont là quarante sous une coupole qui jouent à qui ne verra rien… Un jour, fatigué de ces sottises, Anatole France ouvrit tout à fait les yeux et sortit pour ne plus revenir » (40)

Mais ces critiques acerbes gommaient le fait que l’Institut était loin d’être parfaitement aligné : il y avait sans doute un courant dominant en faveur d’une paix victorieuse comme couronnement d’une guerre menée jusqu’au bout, mais il y eut également, en particulier en 1917, on le verra, des partisans d’une paix négociée, permettant d’abréger un conflit insupportable. Pour l’après-guerre, à côté des partisans d’une paix punitive et d’un nouvel équilibre européen fondé essentiellement sur une réduction drastique de la puissance allemande au profit des Alliés, il y avait ceux qui comprenaient que le Concert européen qui s’était établi depuis 1815 devait être sérieusement modernisé, comporter un minimum d’organisation internationale et permettre de développer les progrès du droit des gens qui étaient apparus avec les conférences de La Haye de 1899 et de 1907. Et, encore au-delà, il y avait aussi des partisans du wilsonisme.

La rentrée solennelle du 25 octobre 1916 : l’Institut fait décidément la guerre.

La séance publique des cinq Académies du 25 octobre 1916, l’année de Verdun et de la Somme, n’eut plus rien d’« académique ». Le Président, Henri Joly, souligna toutes les diverses contributions de l’Institut et de ses membres à l’effort de guerre, par ses aides de toute nature, la mise à disposition de locaux, les travaux de laboratoire liés à la défense nationale, la propagande à l’étranger, etc. Le comte Paul Durrieu, délégué des Inscriptions et Belles-Lettres, narra l’histoire fort patriotique de Perrette Baudoche, jeune Messine ayant vécu au XIVe siècle, dont le nom évoquait si directement celui d’une autre Messine, Colette Baudoche, l’héroïne fameuse de Maurice Barrès. L’ingénieur naval Louis Bertin, délégué de l’Académie des sciences, raconta les différentes phases de l’affrontement naval anglo-britannique en Mer du Nord depuis le début des hostilités, culminant avec la bataille navale Jutland, à la fin du mois de mai précédent. Théophile Homolle, de l’Académie des beaux-arts, prononça un discours sur « La sculpture et la guerre », parfaitement dans la note.

Mais le plus caractéristique fut le discours de Paul Deschanel, délégué de l’Académie française, et aussi président de la Chambre des députés. Très antiallemand, son discours, après un rappel de la politique allemande depuis 1871, comportait un certain nombre d’allusions succinctes aux objectifs que la France devait se proposer. Après avoir souligné qu’il ne suffisait pas de s’en prendre « au militarisme allemand, à la caste militaire prussienne » (ce qui était pourtant la position officielle de Paris depuis le début de la guerre) car l’armée prussienne et l’Allemagne faisaient corps, il laissait entendre qu’il faudrait remettre en cause l’unité du Reich bismarckien, et que la France devrait assurer la sécurité de sa frontière en récupérant la ligne du Rhin.

Ce que les auditeurs ne pouvaient pas savoir, c’est que depuis le mois d’août, à un moment où la bataille de la Somme paraissait encore pouvoir atteindre des résultats décisifs et permettre de repousser les Allemands hors de France, le Gouvernement avait lancé une réflexion approfondie sur les buts de guerre, avec une série d’options, que reflétait en fait très directement le discours de Deschanel. La discussion décisive avait eu lieu le 7 octobre 1916 à l’Élysée, entre Poincaré, le président du Conseil Briand, deux ministres qui étaient comme des sages de la République (Léon Bourgeois et Freycinet), Antonin Dubost, président du Sénat, et justement Paul Deschanel, président de la Chambre (la présence de ces deux derniers marquait bien l’importance de la réunion : ils y représentaient le Parlement). Deux lignes se dégagèrent : les partisans de l’annexion pure et simple de la rive gauche du Rhin (Dubost et Deschanel) s’opposaient à Léon Bourgeois, qui ne voulait pas d’une « annexion immédiate », mais souhaitait une « occupation prolongée comme garantie de nos réparations et de nos demandes relatives à une organisation du droit international » (Léon Bourgeois, qui avait participé aux conférences de La Haye de 1899 et de 1907, travaillait depuis longtemps à un projet d’organisation internationale de la paix). Cependant Bourgeois s’était déclaré auparavant d’accord avec la frontière de 1790 (plus favorable à la France que celle de 1815) et la séparation de la Rhénanie, érigée en pays neutre, du reste de l’Allemagne. Poincaré et Freycinet firent triompher une solution de compromis entre les annexionnistes et les partisans d’un contrôle plus indirect de la Rhénanie : on ne définirait pas encore une « solution ferme » mais on obtiendrait des Alliés qu’ils considèrent « la question de la rive gauche comme relevant de la décision de la France ». (41)

D’autre part, il fut également question de l’unité allemande. Il semble là aussi que les diverses options furent étudiées, entre la remise en cause de cette unité, et une réorganisation de l’Allemagne mettant un terme à l’hégémonie de la Prusse en son sein, de façon à permettre l’émergence des forces libérales à l’œuvre dans le sud du pays. Partition ou libéralisation : c’est ainsi que l’on pourrait résumer le débat, dont Deschanel, le 25 octobre, posa brièvement mais clairement les termes. (42)

En effet, relu à la lumière de ce que nous savons maintenant, il est évident que Paul Deschanel avait voulu prendre date, indiquer publiquement sa position sur la question de la frontière du Rhin et celle de l’unité allemande, et mettre en garde son auditoire contre la « générosité » que les Français avaient eu tendance selon lui à vouloir manifester à l’Allemagne « de Schiller et de Goethe », chaque fois que quelques années s’étaient écoulées depuis la dernière invasion et que « les fils ne sentaient plus la douleur des pères » … L’année précédente, Charles Benoist avait déjà évoqué avec ironie le De l’Allemagne de Germaine de Staël. Ces quelques allusions reflétaient vraisemblablement des divergences au sein d’une institution qui, historiquement, on l’a vu, n’avait pas été hostile à l’Allemagne intellectuelle.

L’Institut et les buts de guerre. Le Comité d’études.

Certains membres de l’Institut furent directement impliqués dans les réflexions sur les buts de guerre souhaitables. Dès le printemps 1915 Poincaré demanda à son confrère Charles Benoist d’étudier « d’après les données de la géographie et les leçons de l’histoire les bases du futur traité de paix... dans l’hypothèse d’une paix victorieuse ». Dans un premier temps, Charles Benoist, se rendant compte de l’énormité de la tâche et de la nécessité d’un travail collectif, et comme la victoire paraissait une perspective très lointaine, ne donna pas suite. Mais, en parlementaire influent, qui connaissait bien de nombreux pays européens (caractéristique rare chez un Français de l’époque !), qui avait réussi parfois à mettre Briand en difficulté à la Chambre sur des questions internationales, qui était chargé de la chronique de politique étrangère de la Revue des Deux Mondes, Charles Benoist devenait de plus en plus incontournable pour ce genre d’études.

Cependant en janvier 1917 Aristide Briand, encore président du Conseil, pressa Charles Benoist de reprendre le projet. (Il est vrai que le 12 janvier, après une dernière délibération en Conseil des ministres mettant un terme aux discussions gouvernementales commencées, on l’a vu, à l’été précédent, les buts de guerre avaient été fixés par le Gouvernement. (43) Or, Briand n’était pas semble-t-il réellement d’accord, il avait eu la main forcée par Poincaré et trouvait les objectifs fixés excessifs, en particulier parce qu’ils rendaient impossible toute possibilité d’une paix de compromis) (44). Quoi qu’il en soit, cette fois-ci Charles Benoist s’exécuta et constitua un « Comité d’études », formé des plus grands professeurs historiens et géographes de la Sorbonne et de l’École des sciences politiques, et présidé par Ernest Lavisse, le chef de file de l’École historique française à l’époque et membre de l’Académie française. Un autre membre de l’Académie des sciences morales et politiques, Arthur Chuquet, contribuait avec Lavisse, Vidal de La Blache et Benoist à la présence de l’Institut au sein du Comité. Celui-ci travailla en liaison étroite avec le Quai d’Orsay et le Service géographique de l’Armée, dont le chef, le général Bourgeois, comptait d’ailleurs parmi ses membres (outre l’apport technique du Service géographique, le général Bourgeois était l’œil de l’État-major dans les séances du Comité d’études). Des réunions hebdomadaires se tinrent de janvier 1917 à juin 1919, portant sur les questions historiques, géographiques et ethnographiques posées par l’ensemble des frontières européennes (pas seulement l’Alsace-Lorraine et le Rhin) (45). Chaque réunion faisait l’objet d’un procès-verbal détaillé, et l’ensemble constitue un captivant tableau des conceptions françaises en vue de l’après-guerre à propos des frontières européennes. (46)

Un correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques, Henri Hauser, alors professeur de géographie à Dijon et qui devait faire par la suite une grande carrière, joua également un rôle important. Il publia en 1915 La guerre européenne et le problème colonial. L'ouvrage soulignait le rôle des ambitions coloniales de l'Allemagne dans le déclenchement du conflit, "la place au soleil" : l'une des causes profondes de « la grande conflagration". (47) La rivalité coloniale anglo-allemande, d'autre part, donnait tout son sens au conflit : "grâce aux ambitions coloniales de l'Allemagne, cette guerre est apparue (...) comme une guerre pour le partage du monde. À la vieille notion de l'équilibre européen, elle substitue la notion de l'équilibre de la planète". (48)

Mais le plus important des ouvrages de Hauser publiés au début de la guerre, et celui qui eut le plus d'écho à l'époque, fut sans doute Les méthodes allemandes d'expansion économique, paru en 1915. Sa thèse essentielle était que l'Allemagne ne jouait pas le jeu du libéralisme manchestérien classique : dès le temps de paix, son économie était une économie de guerre économique. En conséquence, pour lui l'Allemagne ne devrait pas bénéficier du libéralisme international après la guerre.

En mai 1917 Hauser rejoignit le cabinet d’un ministre du Commerce et de l'Industrie particulièrement actif, Etienne Clémentel, qui participa au Gouvernement d’octobre 1915 à janvier 1920 et joua un rôle peu connu mais considérable. Il y étudia en particulier les buts de guerre économiques que se proposait le Gouvernement français, en particulier le maintien d’une coopération interalliée après la guerre dans le domaine des matières premières, l’instauration d’une discrimination économique permanente contre l’Allemagne après le conflit, et l’étude d’un système de réparations qui ne seraient pas seulement punitives ou financières mais serviraient d’abord à renforcer le potentiel économique français (on trouve des échos de ces orientations dans certaines clauses du traité de Versailles). (49) Hauser partageait pleinement l’objectif proclamé de Clémentel, qui était de rebâtir après la guerre l’économie mondiale sur la base d’un « libéralisme organisé » (ce qui devait être une ambition constante de Paris jusqu’aux années 1990). (50) En effet, si Clémentel et son conseiller Hauser étaient partisans du libéralisme économique (il n'était pas question de nationaliser l'économie et de se substituer aux producteurs privés), il fallait passer désormais au « libéralisme organisé », en particulier en ce qui concernait la gestion des matières premières. Il fallait en effet en soustraire la production et l'échange aux seules lois du marché, à cause de leur inégalité de répartition dans le monde, qui engendrait une injustice économique permanente et faussait la concurrence, en particulier avec la pénurie provoquée par la guerre et que ne manquerait pas de prolonger ensuite la reconstruction. (51)

La rentrée solennelle du 25 octobre 1917 : un moment de dépression ?

L’automne 1917 fut sinistre. L’échec sanglant de l’offensive Nivelle en avril, la crise ensuite de l’Armée en mai-juin (même si à l’époque l’étendue de celle-ci, conduisant parfois à de véritables mutineries, fut soigneusement cachée au public), l’échec de la dernière offensive russe en juillet, qui devait d’ailleurs contribuer à provoquer la révolution bolchevique en novembre et la sortie de la Russie de la guerre, la fatigue et les privations d’une population tendue à l’extrême dans un effort épuisant, tout cela contribua à un climat de pessimisme, parfois de défaitisme. Au Parlement les intrigues se multipliaient. Ribot tombait en septembre, remplacé par Painlevé (un autre membre de l'Institut), qui tombait lui-même en novembre, à la suite d'une série d'affaires de trahison et à cause du manque général de fermeté de son gouvernement. C’est ce qui permit à Clemenceau d’arriver au pouvoir. (52) Le redressement de l’esprit public allait suivre, mais à l’automne 1917 Poincaré considérait qu’un tiers des députés auraient été prêts à accepter une paix blanche.

Sans aller jusque-là, Paul Painlevé, ministre de la Guerre dans le Gouvernement Ribot puis président du Conseil, qui estimait qu’une victoire décisive n’était pas possible, tenta de lancer un processus conduisant à une paix négociée, en particulier par des contacts secrets avec Vienne (53). Il ne s’agissait pas de renoncer à tous les objectifs français, mais de les moduler de façon à dégager une possibilité de négociation, en jouant Vienne contre Berlin. Son confrère Hanotaux pour sa part, écrivit à Poincaré le 19 septembre pour lui dire, en fait, qu’avec la défection de la Russie et l’épuisement du pays il fallait chercher à susciter l’ouverture de négociations, sous l’égide du président Wilson. (54)

Ne retrouve-t-on pas quelque écho de cette atmosphère pessimiste à l’occasion de la Rentrée solennelle d’octobre 1917 ? En tout cas la teneur générale de la séance est beaucoup moins exaltée que celle des précédentes. Tout d’abord le président de l’Institut, Denys Cochin, ne fit pas de véritable discours d’introduction, mais se contenta du traditionnel hommage aux confrères disparus et de la proclamation des Prix de l’Institut. Pour quelle raison cette abstention, alors que ses prédécesseurs avaient tous tenu à marquer la gravité de l’époque et à manifester leur patriotisme sans faille ? Faut-il en chercher la cause dans le fait qu’il avait démissionné le 29 juillet du Gouvernement Ribot, où il était ministre du Blocus, parce que ce conservateur catholique, appelé dans un Gouvernement essentiellement radical-socialiste pour donner une caution de Droite à ce qui était encore officiellement l’ « Union sacrée », estimait que l’esprit de cette dernière était trahi par toute une série de récentes décisions ? (55) Il est possible qu’il ait voulu s’abstenir de tout propos susceptible d’être commenté et discuté.

Le discours de Charles Diehl, délégué des Inscriptions et Belles-Lettres, « Dans l’ombre du Campanile d’Aquilée », au-delà de l’évocation archéologique et historique, fut l’occasion d’un hommage à l’Italie qui résistait difficilement à l’offensive des forces austro-allemandes (on était en pleine bataille de Caporetto) ainsi qu’à Gabriele d’Annunzio, fervent partisan et propagandiste de l’intervention italienne dans le conflit.

Celui du délégué de l’Académie des sciences, Louis Bouvier, « Les guerres d’insectes », était en fait une étude du darwinisme et une réfutation de son application aux sociétés humaines. C’était, on le sait, l’un des débats scientifiques et idéologiques majeurs de l’époque, avec de fortes répercussions pendant la guerre de 1914. (56) On pouvait y lire en creux une condamnation de la vision du monde des Allemands... Le discours du délégué de l’Académie des beaux-arts, en dehors d’une allusion à l’actualité en une phrase, est totalement renfermé dans son sujet : « L’idéal chez Ingres et chez Delacroix ».

Tout à fait passionnant en revanche, encore pour le lecteur d’aujourd’hui, est le discours d’Imbart de la Tour, délégué de l’Académie des sciences morales et politiques : « Un canton de France pendant la guerre » (il s’agit d’un canton du Morvan). C’est un portrait sociologique et psychologique, accompagné de la description très complète, y compris du point de vue administratif et économique, de la vie d’un canton rural pendant la Grande Guerre. L’auteur ne perd pas l’occasion de dénoncer les illusions pacifistes dont avaient été victimes les électeurs morvandiaux avant la guerre, mais dont ils s’étaient libérés dès les premières heures de la mobilisation... On notera que le conférencier donne des chiffres de tués : au chef-lieu, sur 986 électeurs inscrits, 105 tués et disparus. Dans un gros bourg de 406 électeurs, 59 tués et disparus. Dans une petite commune de 115 électeurs : 24 tués et disparus. Dans une autre commune, sur 25 jeunes gens de l’infanterie, deux survivants seulement. Quand on sait que le chiffre total des pertes, 1 300 000, ne fut publié qu’en 1919, et que l’on ne communiquait pas d’indications précises sur celles-ci pendant le conflit, les auditeurs (qui par leurs fréquentes attaches provinciales devaient souvent pouvoir faire des observations comparables) furent certainement frappés par ce tableau.

L’exhortation finale prend un relief particulier quand on se souvient de la situation de crise, à l’automne 1917, rappelée plus haut. C’est un véritable avertissement, et une incantation :

« S’abandonner serait se perdre. Il n’est pas possible que votre sacrifice ait été vain, que tant de douleurs soient stériles, que le sang de France ait coulé en pure perte ! (…) Se dévouer, même s’il en coûte, faire son devoir, quoi qu’il advienne, rester unis pour être forts, voilà les grandes, les nécessaires vertus d’aujourd’hui, de demain. Dans cette société des peuples qu’elle rêve, la France aura la place que lui feront ses fils ».

La rentrée solennelle du 25 octobre 1918 : la victoire et l’Amérique.

Le 4 octobre, le Reich avait demandé au président Wilson d’ouvrir des négociations en vue d’un armistice. Celui-ci ne fut signé que le 11 novembre, mais la victoire était acquise pour les armées alliées, en pleine offensive et qui avaient déjà largement libéré les régions envahies. Le discours triomphant du président de l’Institut, Paul Girard, le 25 octobre, témoigne du soulagement éprouvé par les contemporains. Henri Welschinger, délégué de l’Académie des sciences morales et politiques, consacra son discours, évidemment tout à fait de circonstance, à « Un académicien alsacien : Jean-Stanislas Andrieux (1759-1833) », dont il soulignait qu’il était le seul Alsacien que l’Académie française ait compté jusque-là dans ses rangs. Le représentant de l’Académie des sciences, Charles Richet, exposa ce qui avait suscité de grands progrès de la médecine et de la chirurgie pendant le conflit : « L’anesthésie dans les blessures de guerre ».

Mais le véritable héros de la séance fut l’Amérique. André Michel, des Beaux-Arts, raconta l’histoire de « La statue de Washington par Houdon », en achevant par un panégyrique de George Washington et un péan en l’honneur de l’amitié franco-américaine. Le sommet fut atteint par Jean Richepin, de l’Académie française, avec une « Ode au vent d’ouest » que je laisse au lecteur le plaisir de découvrir. (57)

On dispose d’indications selon lesquelles nombre d’académiciens, outre le fait évident qu’ils ne pouvaient que souhaiter l’entrée en guerre des États-Unis aux côtés des Alliés (rappelons qu’elle se produisit le 4 avril 1917), étaient sensibles au message libéral du président Wilson, qui leur paraissait rejoindre l’esprit des Lumières dont l’Institut était en France l’un des garants. En février 1917 le Gouvernement, sur le conseil d’Ernest Lavisse, avait envoyé Henri Bergson en mission aux États-Unis, pour expliquer la position française dans le conflit. De l’avis général, sa mission rencontra un certain succès (mais dont il ne faut pas toutefois exagérer l’importance) (58). Émile Boutroux, membre de l’Académie des sciences morales et politiques et de l’Académie française, l’un des maîtres en philosophie de Bergson (en outre beau-frère d’Henri Poincaré, lui-même cousin du président de la République), contribue à expliquer au public dans différentes publications les grandes orientations du wilsonisme. (59)

Henri Hauser, avant la guerre, avait beaucoup réfléchi aux États-Unis : son livre, L'impérialisme américain, paru en 1905, en est une preuve. Dans cet ouvrage Hauser se montrait tout à fait conscient de la puissance croissante des États-Unis et de leur rôle grandissant dans le monde : "il n'en faut pas davantage pour déplacer vers l'Ouest l'axe de la politique dite européenne" (p. 63). Notons également que Hauser avait compris les racines idéologiques fondamentales de la politique extérieure américaine, y compris ce que nous appellerions aujourd'hui le droit d'ingérence au nom des droits de l'Homme. Rappelant que les États-Unis défendaient sur le plan international les droits des minorités (en particulier juives et arméniennes) bien mieux que les puissances européennes, il relevait:

"Avouons-le, cet impérialisme envahissant et audacieux ne s'emploie pas toujours à de mauvaises causes. Il a la prétention d'être un impérialisme humanitaire. Tout n'est pas faux dans l'affirmation des Américains que le triomphe de leurs armes ou de leur diplomatie sert la cause de la liberté et de la justice" (pp. 96-97).

Et pendant la guerre, Hauser plaida auprès de Clémentel pour une étroite coopération franco-américaine, que certains dans l’entourage du président qualifiaient d’ « alliance atlantique » (60). Une nouvelle fois, l’Institut était beaucoup moins éloigné des réalités et des débats contemporains qu’on ne pourrait le penser, à condition de décrypter son style particulier.

La rentrée solennelle du 25 octobre 1919 : une séance en demi-teinte face aux doutes que génère une paix décevante ?

La dernière séance solennelle du temps de guerre (rappelons que le Parlement venait de ratifier, le 12 octobre, sans enthousiasme d’ailleurs, le traité de Versailles, mais que juridiquement la paix ne fut rétablie que lors de l’entrée en vigueur du traité, le 10 janvier 1920) fut un peu en demi-teinte par rapport aux précédentes. Certes, le président de l’Institut, Léon Guignard, marqua les acquis de la victoire, dans ce style convenu qui était caractéristique de la mobilisation de ses confères depuis 1914 :

« Le retour de nos provinces perdues, l’écroulement de l’œuvre bismarckienne, l’effondrement du militarisme allemand, marquent la fin de la menace odieuse qui, pendant si longtemps, a pesé sur le monde du poids si lourd de son insolence ».

En revanche l’intervention d’Antoine Thomas, des Inscriptions et Belles-Lettres, « Maître Aliboron. Étude étymologique », sauf une phrase à la fin rappelant « l’invasion des hordes germaniques » à la fin de l’Empire romain, était parfaitement inactuelle. De même, Maurice Fenaille, des Beaux-Arts, renouait avec des sujets très académiques. Comme si un souci de refermer au plus vite la parenthèse du conflit avait inspiré les différents intervenants ?

Apparemment historique, mais en fait d’une actualité non pas immédiate mais en profondeur et qui dut être perçue comme telle par les auditeurs, le discours de Morizot-Thibault de l’Académie des sciences morales et politiques, « Une tempête dans la seconde classe de l’Institut en 1798 ». C’était un plaidoyer pour la tolérance et pour la fin du laïcisme militant, tout à fait dans l’esprit de l’« Union sacrée » et de la réconciliation entre la République et les milieux religieux du temps : (61)

« À ceux qui pensent autrement que nous nous devons la tolérance dans la pratique de la liberté. Et par là nous maintenons ce qui fait l’honneur de l’Institut, la concorde dans la dignité. »

Tout à fait actuel en revanche était le discours d’Émile Boutroux, le représentant de l’Académie française. Mais étonnamment pessimiste et désenchanté, très loin de l’atmosphère de victoire de l’année précédente. Il soulignait les deux dangers de l’heure à ses yeux, auxquels les Français devraient faire face en mettant fin à leurs querelles : la révolution politique et sociale radicale que propageait la IIIe Internationale (elle n’est pas explicitement mentionnée, mais l’allusion était claire), et la menace d’une tentative de revanche de la part de l’Allemagne.

Or ces inquiétudes et ce désenchantement étaient largement répandus : Émile Boutroux était en pleine actualité. La IIIe Internationale avait été fondée à Moscou en mars, des révolutions ou tentatives de révolution communistes avaient éclaté à Budapest, à Berlin, à Munich, des troupes alliées, y compris françaises, intervenaient en Russie contre les bolcheviques. La situation intérieure en France était tendue, comme l’avaient montré la grève et les manifestations houleuses du 1er mai 1919. L’Institut, moins conformiste et moins unanime qu’on ne l’a dit, était néanmoins globalement conservateur et ses membres, pour beaucoup, partageaient certainement les inquiétudes de l’orateur.

Quant à l’Allemagne, les Français étaient déçus, et se rendaient compte que les traités ne garantissaient qu’imparfaitement leur sécurité. Il en allait de même pour les membres de l’Institut, qui étaient divisés entre partisans d’un nouvel équilibre européen de type classique, mais désormais établi au détriment de l’Allemagne, et ceux qui souhaitaient un profond changement du système international, pour dépasser le Concert européen traditionnel et mettre sur pied une véritable sécurité collective.

Ceux qui, comme Hanotaux et Benoist, avaient plaidé pour que la frontière de la France fût établie sur le Rhin et que l’unité de l’Allemagne fût remise en cause, n’avaient pas été suivis par le Gouvernement. Le 11 novembre 1918 Gabriel Hanotaux avait rédigé deux notes : l'une sur le Rhin ("De la future frontière", réclamant la frontière du Rhin) et une note sur l'unité allemande ("Du sort de l'Allemagne unifiée"). Ces notes furent remises au général Foch, à Stephen Pichon (ministre des Affaires étrangères) et à Poincaré.

Hanotaux recommandait la réduction de la Prusse "à sa plus simple expression" et la transformation de l'Empire en une confédération "de six à huit États, chacun de dix à vingt millions d'habitants, n'ayant entre eux d'autres liens politiques qu'une Diète commune disposant d'une autorité extrêmement limitée" et ayant chacun sa propre représentation diplomatique et consulaire ; la paix n'étant signée qu'avec tous ces États pris individuellement (62). Charles Benoist, qui fit partie de la commission de la Chambre chargée d’étudier le traité, était en gros sur les mêmes positions. (63) Leur confrère Raymond Poincaré était bien d’accord avec eux, mais, quoique président de la République, il fut complètement écarté de la négociation du traité par Clemenceau. (64)

Pour le Rhin le Gouvernement n’avait obtenu qu’une occupation de la rive gauche pendant quinze ans (certes susceptible d’être prolongée, les arrière-pensées ne manquaient pas à Paris, mais ce n’était pas suffisant pour les adversaires du Traité). En ce qui concerne l’unité allemande, Tardieu, représentant le Gouvernement, fut très clair : dans son discours à la Chambre le 3 septembre 1919, face à ceux qui, comme Charles Benoist, regrettaient que l'on n'eût pas remis en cause l'unité allemande, il déclara qu’il n'était ni possible ni souhaitable de tenter de remettre en cause cette réalité que constituait désormais l'unité allemande. (65)

Mais à côté de ceux que l’on qualifierait aujourd’hui de « réalistes », l’Institut comptait également des membres intéressés par le concept d’un nouveau système international, selon les idées du président Wilson, à commencer par Émile Boutroux lui-même d’ailleurs, ou encore Paul Appell. Or, le sénateur Léon Bourgeois, que nous avons déjà rencontré, et qui faisait partie de la délégation française à la Conférence de la paix, avait tenté de faire triompher la thèse d’une Société des Nations puissante, réellement capable d’assurer la sécurité internationale. Mais finalement la SDN créée par le traité de Versailles serait de toute évidence peu efficace, ce qui entraîna une forte déception dans le camp des « idéalistes ». (66)

Cependant les Académies sont des compagnies, où les différences d’opinion sont largement compensées par la confraternité de rigueur entre gens cultivés et de grande expérience. L’opposition entre réalistes et idéalistes était loin d’être absolue : Gabriel Hanotaux, s’il n’était pas sur la même ligne ambitieuse que Léon Bourgeois en ce qui concernait la SDN, n’était pas défavorable à l’institution en tant que tel, qu’il concevait comme une évolution, un perfectionnement du Concert européen. Il était par exemple fort lié à son confrère le baron Paul d’Estournelles de Constant, sénateur, anticolonialiste, pacifiste, membre de la Cour internationale d’arbitrage de La Haye depuis 1900, prix Nobel de la Paix en 1909, l’un des défenseurs les plus importants en France d’un nouveau système international. (67) Et de 1920 à 1924, Hanotaux fit partie de la délégation française à la SDN. Mais il se battit énergiquement pour que le dernier mot restât aux États, ce en quoi il s’opposait aux internationalistes proprement dits. Pour lui, la SDN devrait être en quelque sorte la prolongation de l’alliance du temps de guerre, autour de la France. (68)


Comme on le voit, l’Institut fut, pendant la Grande Guerre, un centre de réflexion, un laboratoire d’idées, dans tous les domaines des sciences morales, des sciences exactes, des humanités classiques. Il se mobilisa pour l’effort de guerre. Il fut aussi une caisse de résonance, et les problèmes ainsi que les inquiétudes et les espoirs d’une époque dramatique, malgré un décor et des rites immuables, avaient trouvé toute leur place dans les travaux de ses membres, au sein de l’institution comme à l’extérieur. Même si les académiciens étaient loin d’être unanimes, et même si les passions de l’époque n’étaient pas absentes du Quai Conti, la particularité de l’Institut de France fut, dès le premier jour, de rappeler les normes du droit international qui devaient en principe encadrer le conflit, et qui devraient constituer l’une des bases de la paix future. Au fond, l’Institut a été le premier à donner à la France un sens : la guerre du Droit. En même temps on ne se privait pas de dénoncer les illusions pacifistes si répandues dans le pays avant 1914 et qui s’étaient fracassées en août 14.

D’autre part l’ambiance était de toute évidence celle de l’apaisement, après les grandes querelles civiles qu’avait connues le pays depuis l’Affaire Dreyfus et la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905. On revenait à l’« esprit nouveau » proclamé par Eugène Spuller en 1894, quand les républicains « opportunistes » avaient rompu avec le radicalisme et accueilli les catholiques « ralliés ». La lecture de certains discours montre bien que le positivisme agnostique de la génération précédente a cédé la place à un spiritualisme largement répandu. Les questions religieuses ne sont pas taboues, elles réapparaissent, replacées dans la tradition nationale. On voit se manifester un consensus républicain et national élargi, qui écarte certes « la grande lueur qui se lève à l’Est » annoncée par Jules Romains, mais qui prépare l’après-guerre : consolidation de la IIIe République, légitimée en quelque sorte par la victoire, réaffirmation d’un libéralisme politique, économique et social qui est à la base de l’idéologie du régime et qui paraît désormais constituer une norme implicite pour l’ensemble de l’Europe (en dehors de la Russie bolchevique). Une grande majorité des membres de l’Institut, en fonction de leur système de références et de valeurs, ont dû à ce moment-là éprouver le sentiment qu’ils avaient eu historiquement raison, à leur niveau, celui de la culture, des sciences, de la morale et du droit. Les inquiétudes manifestées le 25 octobre 1919, le traité de Versailles à peine ratifié par les Chambres, montrent cependant qu’ils n’étaient pas pour autant inconscients des difficultés que réservait l’avenir.


Notes

(1) Je tiens à remercier Mlle Sophie Gagnard, M. Yoann Brault et les Conservateurs de la Bibliothèque et des Archives de l’Institut, qui m’ont aidé à réunir la documentation nécessaire à cette introduction.

(2) De nos jours les rentrées solennelles ont lieu le mardi le plus proche du 25 octobre.

(3) Séverine-Antigone Marin, Georges-Henri Soutou (dir), Henri Hauser (1866-1946). Humaniste, Historien, Républicain, Paris, PUPS, 2006

(4) Jean-Baptiste Duroselle, La Grande Guerre des Français : 1914-1918, Paris, Perrin, 1994. Il était membre de l’Académie des sciences morales et politiques.

(5) Institut de France, registre de la Commission administrative centrale.

(6) Souvenirs de Charles Benoist, T. III, Paris, Plon, 1934, pp. 211-213.

(7) Gabriel Hanotaux, Histoire illustrée de la guerre de 1914, Paris, 1916, T. III, pp. 231-232.

(8) Gabriel Galvez-Behar, « Le savant, l’inventeur et le politique. Le rôle du sous-secrétariat d’Etat aux inventions durant la Première Guerre mondiale » , Vingtième Siècle, n° 85, janvier-mars 2005, pp. 103-117.
Paul Painlevé (1863-1933). Un savant en politique, sous la direction de Claudine Fontanon et Robert Frank, Presses Universitaires de Rennes, 2005.

(9) Anti-Submarine Detection Investigation Committee.

(10) Bien sûr, les réflexions étaient nombreuses à l’époque sur ces questions : cf. Georges-Henri Soutou, L'Or et le Sang. Les buts de guerre économiques de la première guerre mondiale, Paris, Fayard, 1989.

(11) Georges-Henri Soutou, "La France et les Marches de l'Est 1914-1919", Revue Historique, 1978/4.

(12) Les débuts du conflit avaient été désastreux, et rappelaient fâcheusement les désastres de 1870 (cf. Henry Contamine, 9 septembre 1914 : La Victoire de la Marne, Collection « trente journées qui ont fait la France », Gallimard, 1970, et Jacques Bainville, Journal inédit (1914), Plon, 1953).

(13) Sur cette question complexe, cf. John Horne et Alan Kramer, 1914. Les Atrocités allemandes. La vérité sur les crimes de guerre en France et en Belgique, Tallandier, 2011.

(14) Ses Cahiers montrent cependant qu'il n'était pas, en privé, aussi optimiste quant à la fin du conflit qu’il ne le proclamait dans ses articles. Cf. ses écrits de guerre : Une visite à l'armée anglaise, Paris, Berger-Levrault, 1915 ; Les Diverses familles spirituelles de la France, Paris, Émile-Paul, 1917 ; ses chroniques dans l’Écho de Paris ont été reprises dans L'âme française et la Guerre (11 volumes), Paris, Émile-Paul, 1915-1920 ; Chronique de la Grande Guerre (14 volumes), Paris, Plon, 1920-1924. Cf. Maurice Barrès, la Lorraine, la France, l’étranger (O. Dard, M. Grunewald, M. Leymarie, J.-M. Wittmann, dir.) Berne, Peter Lang, coll. Convergences, n° 62, 2011.

(15) Une rare exception : une critique de la transposition des théories darwiniennes dans le domaine des sciences politiques et sociales en Allemagne (discours de Louis Bouvier, le 25 octobre 1917).

(16) Claude Digeon, La crise allemande de la pensée française, Paris, PUF, 1959.

(17) Archives de l’Institut de France, registre des procès-verbaux de séances de l’Académie des sciences morales et politiques, 2 D 14 et Etienne Lamy (le secrétaire perpétuel de l’Académie française), L’Institut et la guerre. Pour la vérité 1914-1915, Perrin, 1916.

(18) Sur la genèse du manifeste du 4 octobre, cf. Marie-Ève Chagnon, « Le manifeste des 93 : la nature de la mobilisation intellectuelle allemande au déclenchement de la Grande Guerre (1914-1915) », Mémoire de l’Université du Québec à Montréal, janvier 2007. Pour une réaction française caractéristique à l’époque, cf. Gaston Gaillard, Culture & Kultur, Paris, Berger-Levrault, 1915. Cf. également Philippe Soulez éd., Les Philosophes et la guerre de 14, Presses Universitaires de Vincennes, 1988.

(19) Archives de l’Institut de France, registre des procès-verbaux de séances de l’Académie des sciences morales et politiques, 2 D 14

(20) Sur ces visites, on lira le témoignage mi-amusé, mi-agacé de Jean de Pierrefeu, GQG Secteur I, Paris, 1922, tome I, pp. 22-226.

(21) Souvenirs de Charles Benoist, T. III, Paris, Plon, 1934, pp. 230-280.

(22) Il en tira également une « Relation », très fouillée, datée du 28 décembre 1915, ibid., pp. 284-309..

(23) Gabriel Hanotaux, Carnets (1907-1925), publiés par Georges Dethan avec la collaboration de Georges-Henri Soutou et Marie-Renée Mouton, Paris, Pédone, 1982, pp. 115-180.

(24) Pierre Imbart de la Tour, « Notre mission en Espagne », Bulletin Hispanique, tome 18, n°3 1916. Cf. des lettres de Pierre Imbart de la Tour, qui joua un rôle essentiel dans ce voyage, Bibliothèque de l’Institut de France, Ms 4140, et de Charles Lallemand (Académie des sciences, Bureau des Longitudes) à Pierre Imbart de la Tour, ibid., Ms 4158.

(25) Indications de Paul Deschanel lors de la Rentrée solennelle du 25 octobre 1916. Sur l’ensemble de la politique extérieure française à l’époque, cf. Histoire de la Diplomatie française, présentation de Dominique de Villepin, Paris, Perrin, 2005.

(26) Bibliothèque de l’Institut de France, Papiers Imbart de la Tour, Ms 4140.

(27) ibid., Papiers Imbart de la Tour, Ms 4145.

(28) Hommage solennel rendu au Maréchal Lyautey le 13 juillet 2014, à Thorey Lyautey. Allocution du Colonel (er) P. Geoffroy.

(29) Michel Corday, Anatole France d’après ses confidences et ses souvenirs, André Delpeuch, Paris, 1928, pp. 164-165.

(30) Jacques Bainville, Journal inédit, op.cit., p.6 pp. 115-116.

(31) Michel Corday, op. cit., p.13, pp. 203-205.

(32) >Anatole France, Sur la voie glorieuse, Librairie ancienne Édouard Champion, Paris, 1915

(33) Dans la collection La Brochure populaire, éditée par André Vervoort, 1915.

(34) Anatole France, Ce que disent nos morts, R. Helleu éditeur, Paris, 1916.

(35) Michel Corday, op. cit., p.13 pp. 165-166.

(36) Michel Corday, ibid. pp. 204 ss.

(37) Michel Corday, ibid. p. 174.

(38) Jean-Claude Allain, Joseph Caillaux, l'Oracle, 1914-1944, Imprimerie Nationale, Paris, 1981.

(39) Les spécialistes aujourd’hui, avec le recul et les archives, sont moins sévères pour le haut commandement de l’époque que Pierrefeu, et Hanotaux n’est pas ridicule. Cf. Rémy Porte, Joffre, Perrin, 2014

(40)Jean de Pierrefeu, Plutarque a menti, Grasset, Paris, 1923, p. 7.

(41) Raymond Poincaré, Au service de la France, tome IX, Plon, Paris, 1932 p. 4. Cf. Georges-Henri Soutou, "La France et les Marches de l'Est 1914-1919", Revue Historique, 1978/4.

(42) Georges-Henri Soutou, "La France et le problème de l'unité et du statut international du Reich, 1914-1924", in Le statut international de l'Allemagne. Des traités de Westphalie aux accords "2+4", études réunies par Georges-Henri Soutou et Jean-Marie Valentin, Études Germaniques, 2004/4.

(43)Georges-Henri Soutou, "La France et les Marches de l'Est 1914-1919" Revue Historique, 1978/4.

(44) Georges-Henri Soutou, "Briand et l'Allemagne au tournant de la guerre (septembre 1916 - janvier 1917)", in Media in Francia. Recueil de mélanges offerts à Karl Ferdinand Werner, Hérault-Editions, 1989.

(45) Mémoires de Charles Benoist, 324-333. Olivier Lowczyk, « Le général Bourgeois, un militaire imposé ? L’influence de l’état-major français sur le Comité d’études en 1917 », Guerres mondiales et conflits contemporains, mars 2008/229, pp. 5-20.

(46) Mme Isabelle Davion en prépare la publication, dans le cadre de la commémoration de la Grande Guerre à l’Institut.

(47) Henri Hauser, La guerre européenne et le problème colonial, Imhaus et Chapelot,Paris, 1915 pp. 5-8.

(48) ibid. pp 63-64

(49) Georges-Henri Soutou, "Henri Hauser et la Première Guerre mondiale", in Séverine-Antigone Marin, Georges-Henri Soutou (dir), Henri Hauser (1866-1946). Humaniste, Historien, Républicain, Paris, PUPS, 2006.

(50) Georges-Henri Soutou, L'Or et le Sang. Les buts de guerre économiques de la première guerre mondiale, Paris, Fayard, 1989. Laurence Badel, Diplomatie et grands contrats. L’État français et les marchés extérieurs au XXe siècle, Publications de la Sorbonne, 2010.

(51) Cf. Henri Hauser, La nouvelle orientation économique, Alcan, Paris, 1924.

(52) Jean-Claude Allain, Joseph Caillaux, l'Oracle, 1914-1944, Imprimerie Nationale, Paris, 1981.

(53) "Paul Painlevé et la possibilité d'une paix négociée en 1917", Paul Painlevé (1863-1933). Un savant en politique, op. cit., p.4

(54) Gabriel Hanotaux, Carnets (1907-1925), op.cit., p.11, pp. 231-234.

(55) La lettre de démission à Ribot se trouve en annexe à Denys Cochin, 1914-1922. Entre Alliés, Plon, 1924.

(56) Georges-Henri Soutou, "Le problème du social-impérialisme en Allemagne et en Angleterre pendant la Grande Guerre", in Les sociétés européennes et la guerre de 1914-1918, Jean-Jacques Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau éds., Université de Paris X Nanterre, 1990.

(57) Normalien fort cultivé, Richepin n’ignorait sans doute pas qu’il avait repris le titre du poème le plus fameux de Shelley, Ode to the West Wind, paru en 1820, qui exaltait la liberté, et qui fait partie des références culturelles de tout le monde anglo-saxon...

(58) André Kaspi, La France et le concours américain. Février 1917 – Novembre 1918, Université de Lille III, 1975, t. I, pp. 39-42. Philippe Soulez, « Les missions de Bergson ou les paradoxes du philosophe véridique et trompeur », in Philippe Soulez éd., Les Philosophes et la guerre de 14, op. cit.p.9

(59) Pierre Miquel, La Paix de Versailles et l’opinion publique française, Flammarion, 1971, pp. 72 ss.

(60) Georges-Henri Soutou, "Henri Hauser et la Première Guerre mondiale", op. cit.p.21

(61) Burgfrieden und Union sacrée, Wolfram Pyta et Carsten Kretschmann éds., Beiheft [Supplément] 54 de l’Historische Zeitschrift, Munich, Oldenbourg, 2011.

(62) Gabriel Hanotaux, Carnets (1907-1925), op.cit., p.11 pp. 186-187 et pp. 278 ss.

(63) Charles Benoist, Souvenirs, T. III, Paris, Plon, 1934, pp. 340-345.

(64) Note de Poincaré du 23 avril 1919, in Raymond Poincaré, À la recherche de la Paix, Plon, Paris, 1974, pp. 363-367.

(65) Cf. les notes de son discours aux Archives du Ministère des Affaires étrangères, Papiers Tardieu, vol. 467. Pour les désillusions françaises et le pessimisme de l’opinion, cf. le livre déjà cité de Pierre Miquel.

(66) Sur ces débats, cf. Peter Jackson, Beyond the Balance of Power. France and the Politics of National Security in the Era of the First World War, Cambridge UP, 2013.

(67) Adolf Wild, Baron d’Estournelles de Constant 1852-1924 : das Wirken eines Friedensnobelpreisträgers für die deutsch-französische Verständigung und europäische Einigung, Stiftung Europa Kolleg, 1973

(68) Gabriel Hanotaux, Carnets, op.cit., p.11 pp. 317 ss.


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