La bibliothèque de Louvain brûle !

Dès le début de la guerre, en application du plan Schlieffen, les troupes allemandes envahissent la Belgique, violant ainsi le traité de neutralité établi en 1831 et entraînent l’entrée en guerre de l’Angleterre. Selon les mots d’Étienne Lamy, « la Belgique est le meilleur chemin pour surprendre la France ».

Loin de se rendre sans combattre, les Belges sont néanmoins forcés de battre en retraite devant un ennemi supérieur en nombre et c’est le 19 août 1914 que les Allemands entrent dans Louvain. Située en région flamande, la ville de 40 000 habitants, chef-lieu de la province du Brabant n’est qu’à 300 kilomètres de Paris.

L’occupation allemande se passe relativement dans le calme jusqu’au 25 août où les Allemands prennent prétexte d’une fausse attaque de franc-tireur pour incendier la ville et fusiller une partie de ses habitants. Parmi les décombres, les Halles universitaires qui comptaient l’Université catholique et sa fameuse bibliothèque, rue de Namur.

Après cette terrible nuit, Paul Delannoy, professeur et bibliothécaire, témoigne :

« Dans les rues, sur tous ces débris qu’il faut escalader avec peine, et plus loin jusque dans la campagne, le vent a disséminé des feuilles de livres et de manuscrits à moitié consumés ».

Plus loin, il évoque la perte inestimable, nous permettant ainsi d’imaginer cette splendide bibliothèque :

« La bibliothèque de l’Université de Louvain possédait 500 manuscrits, environ 800 incunables, de 250 à 300 000 volumes. On y remarquait spécialement l’original de la bulle de fondation de l’Université en 1425, un exemplaire sur vélin du fameux ouvrage d’André Vésale : « De humani corporis fabrica », exemplaire donné à l’université par Charles Quint, un manuscrit précieux de Thomas a Kempis.

Les curiosités bibliographiques étaient nombreuses, la collection des vieilles reliures flamandes du XVIe et XVIIe siècle contenait quelques spécimens curieux. Les souvenirs de l’ancienne université, cachets, diplômes, médailles, etc. étaient conservés précieusement dans des armoires. Les vieux imprimés du XVIe siècle formaient un fonds extrêmement rare ; toutes les pièces, pamphlets, et placards de la Réforme des Pays-Bas étaient réunis en un seul volume « varia » constituant ainsi un ensemble unique. Il en était de même d’une foule de pièces relatives au Jansénisme.

Les grandes salles de livres aux boiseries artistiques étaient des bijoux de l’architecture du XVIIe siècle ; la salle des Pas-Perdus des Halles universitaires avec ses voûtes et ses chapiteaux a été reproduite dans les manuels d’art et d’archéologie. La salle de lecture de la Bibliothèque contenait toute une galerie de portraits des professeurs de l’ancienne Université ; ce musée était une source très précieuse pour l’histoire littéraire des Pays-Bas »1.