Les objectifs de la mission : le combat contre la germanophilie espagnole

Pierre Imbart de La Tour, initiateur de la mission, nous y reviendrons, impute la place prépondérante de la culture allemande en Espagne au silence de la France, à son absence.

En effet, au début du XXe siècle, les relations franco-espagnoles ne sont pas au beau fixe mais il faut remonter jusqu’au XVIIIe siècle pour en connaître la raison. Quand ce siècle commence, les relations entre les deux pays sont excellentes, en effet, les Bourbons occupent le trône. Mais, c’est justement la Révolution française, le renversement de la royauté et les guerres qui s'en suivront qui vont en faire des ennemis. La conquête impériale expliquera même que cette inimitié se poursuive tout au long du XIXe siècle. Or, c’est à cette époque que le foisonnement des intellectuels allemands prend toute son ampleur et fait rayonner ses Universités dans toute l’Europe. Les étudiants espagnols partent étudier à Berlin, Iéna, Marburg tandis que les étudiants allemands viennent étudier en Espagne. Ces échanges favorisent le développement des études, les grands auteurs allemands, Hegel, Eucken, Nordau sont traduits en espagnol.

Ainsi, cette lutte d’influence en Espagne existe bien avant le conflit. Si les Républicains et Démocrates sont plutôt francophiles, les Conservateurs sont clairement germanophiles.

Pourtant, comme indiqué en introduction, le déclenchement de la guerre et le choix de la neutralité placent l’Espagne dans une position intermédiaire. Dans cette guerre dont on ne voit pas l’issue, la France aurait besoin de matières premières, de produits agricoles et industriels ainsi que de main d’œuvre que l’Espagne pourrait lui fournir. Ce soutien économique pourrait même être déterminant.

Une brèche est ouverte en 1916 avec la bataille de Verdun qui passionne les Espagnols, et les offensives victorieuses des Alliés qui les impressionnent. Les Espagnols estiment de plus en plus qu’il faudrait se placer aux côtés du vainqueur. L’entrée en guerre du Portugal en février achève de les isoler. C’est donc dans ce contexte, en quelque sorte favorable à la France, que la mission est organisée.

Invoquant la traditionnelle union latine, Pierre Imbart de La Tour enracine l’entente franco-espagnole, « nos deux pays sont nécessairement destinés à se comprendre et à s’entendre ». Une étude, présente dans ses papiers personnels, indique que l’Espagne

« par sa situation géographique, par sa communauté de race, par ses éléments de richesses (…) est certainement celle des nations européennes restées neutres qui présente pour la France le plus d’intérêt au point de vue des relations intellectuelles, économiques et politiques ».