L'Anesthésie dans les blessures de guerre

par M. Charles Richet

Délégué de l'Académie des sciences

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Messieurs

Dans un de ses plus célèbres aphorismes, le père de la médecine, le vieil Hippocrate, disait : Divinum est opus sedare dolorem. Plus que jamais cet axiome est vrai pour les chirurgiens d’aujourd’hui Aujourd’hui, en ces heures tragiques que nous vivons, quand nos braves enfants, frappés par des engins meurtriers, ont besoin d’un secours immédiat, quoi de plus divin que de les secourir par une opération, tout en leur épargnant les atroces douleurs de cette opération même ?

Le soir d’une bataille, voilà mille, deux mille, dix mille blessés qui arrivent aux ambulances et qu’il faut faire vivre. Seule une intervention chirurgicale peut les sauver. Il faut donc agir, et sans retard. L’opération a d’autant plus de chances de réussir qu’elle a été pratiquée plus tôt.

Elle est nécessaire ; car la plaie, souillée de terre, contaminée par les corps étrangers et les débris de vêtements, est infectée par d’innombrables microbes, qui, si le chirurgien ne les annihile pas, provoqueront des accidents formidables.

Ainsi, après presque toutes les plaies de guerre, le chirurgien doit intervenir. Il doit nettoyer la plaie, remplacer par une section nette et antiseptique les contours déchiquetés et sinueux d’une plaie infectée. C’est le seul moyen d’éviter les pullulations microbiennes, les pyohémies, les gangrènes, les tétanos, les érysipèles, les phlegmons, les infections aiguës ou chroniques dont le génie de Pasteur nous a démontré la cause. Malgré la gravité des blessures, si l’intervention est rapide, c’est-à-dire si elle a lieu moins de dix ou douze heures après le traumatisme, on peut espérer la guérison, à condition qu’aucun organe essentiel n’ait été trop sévèrement atteint.

Très souvent aussi la plaie n’est pas unique. Si une grenade ou un obus ont éclaté, de multiples éclats se sont implantés dans maintes parties du corps. Nous avons tous vu des soldats arriver avec trois, quatre, cinq, parfois dix, parfois même vingt projectiles, ayant pénétré dans leurs tissus, et qu’il faut extraire. C’est ce qu’on appelle un polyblessé. (Le mot est bien mauvais ; mais on n’en a pas trouvé d’autres.)

Toutes ces extractions de projectiles doivent être pratiquées avec une asepsie rigoureuse. C’est long, très long. Il n’est pas rare que, chez un polyblessé, l’opération, qui est multiple, dure plus de deux heures. Et pendant tout ce temps, le blessé ne doit pas souffrir. Il a droit à une anesthésie complète.

Il va de soi que cette anesthésie doit aussi être inoffensive. Et puis, pour secourir efficacement, dans des conditions quelquefois précaires, non loin de la bataille, un millier de blessés, il ne faut pas que la pratique soit compliquée. Vous comprendrez alors comment se pose en temps de guerre la question de l’anesthésie chirurgicale, qui doit être facile, complète, prolongée et innocente.

Et ce problème a été résolu. Des milliers — et même (pourquoi ne pas le dire ?) des millions de blessés — ont éprouvé les bienfaits de l’anesthésié.


Bien entendu, je ne vous exposerai pas ici, dans tous ses détails, le mécanisme de l’anesthésie. Je n’ai garde d’oublier cependant que je suis professeur de physiologie ; et alors vous m’excuserez si je vous indique très brièvement par quels merveilleux ressorts va pouvoir être anéantie la conscience de la douleur, sans que ni le cœur ni la respiration, c’est-à-dire la vie, ne souffrent d’atteintes.

Imaginez, donc qu’il y a dans le système nerveux central un organe où s’élabore l’intelligence, c’est-à-dire la conscience du moi et la mémoire. La conscience du moi, c’est surtout la conscience de la douleur. — On peut l’affirmer sans être taxé de pessimisme. — Si cet organe central est paralysé dans sa fonction, il n’y a plus de conscience, il n’y a plus de douleur. En vain les nerfs seront ébranlés par des irritations intenses, leurs vibrations resteront inefficaces ; car, au lieu d’aboutir à un centre actif, vivant, sensible, elles aboutiront à une masse devenue inerte, incapable d’être émue.

Dès les premières bouffées d’une inhalation anesthésique, le cerveau est touché. C’est d’abord l’ivresse, l’excitation, le délire. Puis, à mesure que se continue la respiration du poison, l’agitation désordonnée fait place à un véritable sommeil, sommeil avec rêves d›abord, enfin sommeil profond et sans rêves. La fonction cérébrale, excitée d’abord, est maintenant paralysée. Qu’il s’agisse du chloroforme, de l’éther, du protoxyde d’azote, ou même de l’alcool, l’intoxication suit le même cycle : c’est toujours le cerveau, l’organe de l’intelligence, de la conscience et de la mémoire, qui est atteint le premier.

L’intelligence et la conscience disparaissent donc avant que les autres fonctions nerveuses soient troublées. Le poison anesthésique a fait son choix sur certaines cellules nerveuses les plus délicates de tout l’organisme, les cellules psychiques, qu’il atteint tout d’abord, alors qu’il respecte encore les autres. Or, dès que ces cellules sont paralysées, l’anesthésie est obtenue.

Mais le chirurgien veut plus que l’anesthésie. II ne lui suffît pas d’avoir empêché son blessé de souffrir ; il veut l’empêcher de se mouvoir : car les mouvements de l’opéré sont gênants pour l’opérateur ; capables de compromettre le succès de l’intervention. Aussi une dose plus forte de l’anesthésique est-elle nécessaire. À la première période — d’anesthésie — doit succéder une seconde période : l’immobilité.

Maintenant la moelle épinière est paralysée à son tour. Nul mouvement. Nulle réaction. L’opéré n’est pas seulement insensible : il est encore impassible.

Pourtant toute fonction nerveuse n’est pas anéantie : un organe reste encore, qui a gardé toute sa vitalité. Le bulbe rachidien n’est pas mort, puisqu’il continue à commander des mouvements respiratoires bien rythmés, et des contractions cardiaques. Ce blessé immobile, inerte, qui ne répond, à toutes les excitations, même les plus violentes que par un silence absolu et total, continue à respirer. Pendant une heure, deux heures, trois heures même, la vie du cœur et des poumons se poursuit, sans que l’opéré fasse un geste, pousse un soupir ou un gémissement.


Ne croyez pas toutefois que l’anesthésie soit toujours aussi inoffensive que ce tableau un peu schématique semblerait vous l’indiquer. Ce n’est pas impunément qu’un poison énergique va paralyser les cellules de notre système nerveux central. Pendant tout le cours d’une anesthésie, le blessé est exposé à certains risques. Il serait absurde de supposer que l’inhalation d’une substance toxique sera toujours absolument innocente.

Je dis souvent à mes élèves dans mes cours : « Messieurs, je vais vous apprendre quelque chose de très important. Je vais vous montrer comment on peut tuer son malade par le chloroforme. » Et alors, je ne sais trop pourquoi, ils se mettent à rire.

De fait, voici l’expérience que je leur montre, et qui réussit toujours. On force un chien à faire par la trachée ouverte une grande inspiration ; or l’air qu’on lui fait inspirer ainsi a barboté dans un flacon où se trouve un peu de chloroforme liquide, et s’est chargé de chloroforme.

De cet air riche en chloroforme, l’animal fait une grande première inspiration, mais il n’en fait pas d’autre. À peine la première est-elle terminée qu’il tombe comme foudroyé. Il est mort.

Pourquoi ? C’est qu’alors le chloroforme est arrivé en fortes proportions dans les poumons, qu’il s’est dissout dans le sang, et que ce sang saturé de chloroforme afflue au cœur en telle quantité que les ganglions du cœur, imprégnés par le poison, meurent immédiatement. Il ne faut que quelques secondes.

Une fois que le cœur s’est ainsi arrêté, on ne le peut rappeler à la vie. La syncope chloroformique est soudaine, brutale, irréparable. Les cas sont malheureusement trop nombreux, dans lesquels, dès les premières inhalations, la mort est survenue. Et pourtant il est des chirurgiens qui ont osé — il y a très longtemps — préconiser la méthode dite de sidération, qui consiste à faire respirer au blessé, dès le début, une grande quantité de chloroforme. S’il n’y a pas eu d’accidents mortels en nombre immense, c’est que la Nature, plus prévoyante que nous, nous a protégés, par les nerfs si sensibles du larynx et de la face, contre l’abord des vapeurs toxiques. On a beau dire au blessé : « Respirez ! Respirez fort ! » Des réflexes protecteurs, impératifs, s’opposent à toute profonde inspiration qui apporterait trop rapidement au cœur ce terrible poison du cœur.

Tout chirurgien doit être en même temps physiologiste, et savoir que la mort dans la chloroformisation, c’est la mort par l’arrêt du cœur. Quant aux accidents respiratoires, ils sont d’importance secondaire. Si la respiration s’arrête, on peut toujours la faire revenir par la respiration artificielle, par les tractions de la langue, par les inhalations d’oxygène, au besoin par l’insufflation pulmonaire et la trachéotomie. Nous avons tout un arsenal défensif contre l’arrêt respiratoire : nous n’avons rien contre la syncope cardiaque. Nous disposons de quelques minutes pour faire revivre la respiration ; nous n’avons même pas quelques secondes pour faire revivre le cœur.

Aussi bien beaucoup de chirurgiens ont-ils aujourd’hui à peu près renoncé à employer le chloroforme. Ils préfèrent l’éther, qui, malgré quelques inconvénients d’accessoire importance, n’expose presque pas à la syncope cardiaque, danger si redoutable, malgré sa rareté, que tout s’efface devant lui.

D’autres raisons encore militent en faveur de l’éther. Mais rassurez-vous : je n’entrerai pas dans la discussion approfondie, bien intéressante, quoique très technique, des avantages comparés du chloroforme et de l’éther.


En somme, que ce soit par le chloroforme ou par l’éther, le résultat est à peu près le même. Nos chers enfants, nos glorieux blessés, sont opérés sans souffrance et sans péril.

Quel spectacle angoissant que celui d’une ambulance, au soir d’une bataille ! Et je ne parle pas de ces terribles combats où par milliers affluent les blessés. Ces jours-là il n’y a jamais, et il n’y aura jamais, assez d’équipes chirurgicales pour opérer tous les blessés en temps opportun je parle seulement des petites batailles, des coups de main, où un bataillon, un régiment ont seuls été engagés. Deux ou trois heures après l’assaut, voici, dans l’ambulance de première ligne, une cinquantaine de blessés qui arrivent. Au poste médical du bataillon ou du régiment, ils ont déjà reçu un pansement sommaire ; mais, en ces postes avancés, qui sont sous le feu de l’ennemi, et d’abri incertain, nulle opération n’était possible : on s’est contenté de mettre une bande autour de la plaie et de renvoyer le blessé à l’arrière sur des brancards chargés dans des automobiles. Et je tiens à proclamer ici que les automobiles américaines ont été, dès les premiers temps de la guerre, admirables de dévouement et d’audace dans le service des blessés.

Alors, tout de suite, à la première ambulance de l’arrière, dite de triage, on fait le départ entre les blessés graves et les blessés légers. Les blessés légers, transportables, repartent aussitôt pour l’arrière. Dans quelques heures ils seront hébergés en une vaste ambulance, très éloignée de la bataille, où ils trouveront les soins nécessaires. Quant aux grands blessés, pour qui le transport serait périlleux, on les garde ; et on va les opérer immédiatement : car tout délai aggraverait leur état.

En quelques instants ils sont déshabillés, lavés, radiographiés ; et on les transporte à la salle d’opération.

Malgré leurs souffrances, malgré l’imminence de la mort, ils ne se plaignent pas. Leur résignation est stoïque et héroïque. Les uns ont le crâne ouvert ; d’autres agitent des moignons mutilés et des débris de membres ; chez d’autres les poumons sont traversés, et la respiration brasse l’air dans les plèvres, par le thorax ouvert ; chez d’autres encore la face n’est plus qu’une bouillie informe : l’œil est arraché et pend hors de l’orbite fracturée… Je m’arrête... j’en aurais trop à dire !

Ces hommes jeunes, vigoureux, beaux, innocents, tués par des hommes ! Est-ce possible ? N’est-ce pas un rêve, et un rêve affreux ? Non ! ô démence humaine ! Non ! ce n’est pas un rêve ! ...

Maintenant le blessé, couché sur la table d’opération, est prêt pour l’anesthésie. En trois ou quatre minutes, après une courte période de loquacité, d’agitation, d’ivresse, il s’endort d’un sommeil profond ; on opère, on recoud les chairs saignantes, on fait le pansement, sans provoquer un geste de douleur ou un mouvement réactionnel.

L’opéré ne se réveille que dans son lit ; il n’a conservé aucun souvenir de l’opération : le bienfaisant poison lui a versé l’oubli de la douleur. Il se rappelle seulement qu’on lui a fait respirer quelque chose qui étouffait. La tête a tourné : ç’a été un vertige, un éblouissement, puis plus rien. Et le voici étendu dans un bon lit, à côté de ses camarades, et, comme ses camarades, plein d’espoir en la guérison prochaine. N’est-ce pas vraiment merveilleux ?

Sa première parole est de demander à voir le projectile qu’on a extrait de la plaie ; on le lui donne : il le regarde curieusement et le garde jalousement. Il a acquis tous droits à cette précieuse relique, à la fois symbole et témoignage de sa vaillance.

Hélas ! Il ne faut pas croire cependant que tous les blessés peuvent être opérés et guéris. Trop souvent les blessures ont déchiré des organes essentiels, le foie, l’intestin, le rein, le cerveau, et alors il n’est pas de chirurgie assez puissante pour conjurer la mort. Mais il est des cas pourtant, où, sans qu’il y ait de lésion irréparable, le système nerveux est si déprimé, l’hémorragie fut si abondante, que le malheureux soldat est là devant nous, sans forces et sans voix, livide, pouvant respirer à peine, à peine ouvrir les yeux. Le cœur bat faiblement, le pouls est imperceptible, et la mort, une mort dont on s’explique mal la cause, est imminente. On a désigné ce grave ensemble de symptômes sous le nom de choc traumatique (1).

Il serait trop long de discuter ici devant vous les théories diverses qui ont été proposées. Disons seulement qu’elles aboutissent toutes à une même conclusion, fondamentale : le choc traumatique, c›est l›épuisement, l’affaiblissement et la paralysie du système nerveux.

Que ce soit par l’hémorragie, ou par les irritations périphériques violentes, ou par les résorptions des produits toxiques amassés dans les plaies musculaires, le système nerveux est dans un état de détresse profonde, si profonde qu’alors l’anesthésie par les anesthésiques usuels serait presque immédiatement mortelle. Aussi, plutôt que de voir leur blessé mourir sur la table d’opération, la plupart des chirurgiens aiment-ils mieux s’abstenir ; car les moindres inhalations d’éther, et surtout de chloroforme, amèneraient la mort du cœur, si dangereusement affaibli déjà.

Jusqu’à ces derniers temps on était réduit à cette terrible alternative : ou laisser le blessé sans secours, ce qui était une mort presque assurée ; ou l’opérer sans anesthésie, ce qui était aussi la certitude de la mort ; car il est hors d’état de supporter la douleur opératoire.

Si pourtant il existait une substance anesthésique qui, au lieu d’abaisser, relèverait la pression artérielle ! Une substance, qui, au lieu d’affaiblir, fortifierait le cœur ! Si en même temps l’emploi de cette substance anesthésique permettait d’introduire dans la circulation d’assez notables quantités de liquide pour rétablir quelque peu la masse du sang. Alors le problème de l’anesthésie dans le choc traumatique serait en partie résolu.

Eh bien ! il semble qu’une espérance nous soit ouverte. Ce n’est pas encore une certitude ; car il s’agit de faits tout récents, datant de quelques mois à peine, et qui n’ont pas encore la consécration d’un long usage. Mais les résultats ont été si favorables qu’ils m›autorisent à prononcer une parole d’espoir.

Il s’agit d’un corps chimique que j’ai découvert, avec M. Hanriot, en 1893 ; le chloralose, combinaison du chloral avec le glycose, chloralose dont nous avons montré les singulières propriétés physiologiques. On ne l’avait pas jusqu’à présent employé pour l’anesthésie chez l’homme ; car il faut l’introduire par des injections intraveineuses, et on hésitait à faire pénétrer dans les veines des quantités de liquide assez considérables. Mais on a depuis peu de temps prouvé en toute évidence que les injections intraveineuses sont relativement inoffensives.

Alors j’ai pensé que le chloralose, injecté dans les veines, ferait un excellent anesthésique, et j’ai pu, grâce à l’appui que m’ont prêté d’habiles chirurgiens, M. Rigal, M. Ockinczye, M. Bréchot, faire une cinquantaine d’anesthésies par le chloralose. Les résultats en ont été remarquables.

Non qu’on doive dans toutes les anesthésies remplacer les inhalations d’éther par des injections de chloralose. Assurément non ! Car, si le chloralose donne facilement l’anesthésie, il donne difficilement l’immobilité. Le chloralose n’amène pas cette inertie totale que le chirurgien exige pour n’être pas gêné par les mouvements du blessé. Il endort le cerveau (et par conséquent la conscience de la douleur) ; mais il n’endort nullement la moelle, et par conséquent il ne supprime pas les réflexes.

Par le chloralose, la moelle, au lieu d’être paralysée, est excitée. C’est une difficulté pour le chirurgien, mais c’est une sécurité pour le blessé. Même quand la pression artérielle est si faible que le pouls radial n’est plus senti, une injection de chloralose fait reparaître le pouls radial. Les battements du cœur reprennent quelque force ; la face se colore légèrement. Voilà le blessé insensible, mais qui a regagné quelque vitalité.

Et alors on peut, et même on doit l’opérer, malgré la gravité de son état. J’ai donné du chloralose à une dizaine environ de blessés intransportables, très gravement atteints, presque des mourants, tant ils avaient perdu de sang, tant le système nerveux était épuisé : et, chez tous, l’opération a pu être terminée, alors qu’aucun d’entre eux n’aurait pu supporter chloroforme ou même éther. Certes plusieurs de ces opérés ont fini par succomber ; mais chez aucun d’eux la mort ne fut due à l’anesthésie. La mort n’est survenue que tardivement, par suite de complications diverses.

Je ne puis entrer ici dans l’étude technique minutieuse qui serait nécessaire si je parlais devant un auditoire de chirurgiens. J’ai voulu simplement vous montrer que nous ne sommes plus complètement désarmés. Le choc traumatique, si intense qu’il soit, l’hémorragie si abondante qu’elle ait été, ne sont plus des contre-indications absolues à une anesthésie opératoire. Car le chloralose est une substance qui, tout en abolissant la douleur, fonction du cerveau, réveille l’activité du cœur et de la moelle.

Et d’ailleurs ce n’est qu’un commencement. Il faut beaucoup de temps pour qu’une méthode nouvelle prenne toute son ampleur et devienne classique.


Tel est l’état actuel, trop brièvement résumé, de l’anesthésie chirurgicale. Je m’excuse, en terminant, des détails, un peu arides sans doute, dans lesquels j’ai dû entrer. Mais il m’a paru qu’à l’heure présente personne n’a le droit d’ignorer les bienfaits que la physiologie, la médecine et la chirurgie ont répandus dans le monde.

Contraste étrange et cruel entre la folie des hommes qui s’entre-tuent à plaisir, et le génie de ces mêmes hommes, lequel sauve tant d’existences ! La douleur est, par notre folie, versée à flots, et la douleur, par notre génie est vaincue.


Notes

(1) Je me refuse à écrire shock traumatique ; car je sais assez de français pour connaître le mot très français de choc.


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