Dans l'ombre du campanile d'Aquilée

par M. Charles Diehl

Délégué de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

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À l’extrémité orientale des lagunes où naquit Venise, au-dessus de la plaine basse et marécageuse qu’a laissée la mer en se retirant, le campanile d’Aquilée élève sa silhouette puissante dans le ciel. Dans l’ombre du campanile une ancienne basilique chrétienne s’abrite. Sous sa forme actuelle, elle date de l’aube du XIe siècle, du temps où les patriarches d’Aquilée étaient de grands seigneurs temporels et spirituels, où leur église était proclamée par la papauté même « tête et métropole de toutes les églises d’Italie », où leur autorité de princes féodaux s’étendait de l’Adriatique jusqu’aux, Alpes, des confins de Trévise au voisinage de Trieste. Et en effet, avec ses vastes proportions, les longues files de colonnes monolithes qui séparent ses trois nefs, son chœur surélevé que domine l’élégant baldaquin de l’autel, et à la courbe de l’abside, au-dessus de la vieille chaire de marbre, les fresques pâlies où, aux pieds de la Madone, se rangent les figures des saints protecteurs de la cité, les images de l’empereur et du patriarche qui furent les fondateurs de l’église, la basilique d’Aquilée, dans sa nudité austère, produit une impression incomparable de puissance, de grandeur et de majesté. Lorsque, dès les premiers jours de la guerre, l’avance hardie de l’armée italienne reconquit sur l’Autriche cette terre qui, durant tant de siècles, avait été étroitement unie à l’Italie, un prince de la maison de Savoie, visitant l’antique basilique, disait justement, tout émerveillé de la rare beauté du monument : « il me semble que je suis à Rome. » Et en vérité, on retrouve ici toute la grandeur imposante et simple des vieilles basiliques romaines.

Depuis lors, chaque siècle a ajouté quelque chose à l’édifice. Le XIVe a couronné d’arcades gothiques les chapiteaux romans et, dans le bras droit du transept, édifié la chapelle funéraire où dorment, dans leurs tombeaux de marbre, les patriarches issus de la famille milanaise des della Torre. La Renaissance a placé à l’entrée du chœur, dans l’axe de la nef principale, la chaire, ciselée comme une orfèvrerie, que sculpta Bernardo da Bissone et les beaux baldaquins qui surmontent les autels. Et, auparavant, dans l’ombre de la crypte qui s’étend sous le chœur, un vieux maître du XIIe siècle avait peint, en des fresques remarquables où passe encore le souffle de Byzance, les scènes de la Passion du Christ et les épisodes de la vie de saint Marc, de l’évangéliste qui, d’après la tradition, apporta ici le christianisme et fut le fondateur de l’église d’Aquilée. Et par là, de même que tout à l’heure elle évoquait le souvenir de Rome, la basilique d’Aquilée se lie étroitement à la gloire de Venise.


Pourtant l’édifice actuel n’a fait que remplacer un monument beaucoup plus ancien. Il y a quelques années, en 1909, sous le pavé de la basilique du XIe siècle, un hasard a fait découvrir les restes d’une antique mosaïque, et les recherches entreprises à la suite de cette découverte ont mis au jour tout un vaste pavement, qui couvre plus des deux tiers du sol de l’église. C’est un des plus grands ensembles et des mieux conservés que nous ait légué l’art chrétien des premiers siècles. C’en est aussi, par les détails de la composition, l’un des plus curieux et des plus remarquables. Entre des bordures où se déroulent en rinceaux fleuris des pampres tout chargés d’oiseaux, se développent les scènes charmantes, d’inspiration encore toute païenne, qu’aima le doux symbolisme de l’art des Catacombes. Ici, des figures de femmes, portant des grappes de raisin et des épis de blé, des paniers remplis de pain, des colombes ou des fleurs, se groupent autour d’un médaillon central qui rappelle le sacrifice de l’eucharistie. Là, des animaux de toute sorte se rangent autour du signe de la croix. Plus loin, c’est limage du Bon Pasteur tenant sur les épaules la brebis retrouvée ; et au fond de l’église, c’est une vaste composition où, sur une mer toute pleine de poissons aux couleurs éclatantes, parmi des génies ailés qui pêchent, montés sur des barques légères, sont représentés les épisodes de l’histoire du prophète Jonas. Ailleurs, ce sont, inscrites dans des carrés ou des cercles, des figures, les unes allégoriques, images tout alexandrines de Saisons ou de Vertus, les autres, d’un accent plus vigoureux et plus réaliste, images expressives d’hommes et de femmes, qui semblent des portraits. Et la couleur sans doute est assez terne et pauvre, et c’est un art de décadence qui a réalisé le programme symbolique assigné à cette décoration. L’évêque Théodore, dont une inscription placée au centre de la mosaïque nous dit « qu’avec l’aide de Dieu tout-puissant et de la communauté confiée par le ciel à ses soins, il a fait exécuter dans la joie et a glorieusement dédié cet ensemble », vivait au commencement du IVe siècle : son nom figure en 314 parmi les signataires du concile d’Arles. La basilique pourtant qu’il avait fait bâtir, au lendemain de la paix de l’Église, avec ses vastes mosaïques, son plafond à caissons peint de couleurs éclatantes, dont quelques fragments ont été retrouvés, n’en était pas moins une construction d’une singulière splendeur. Tout auprès, d’autres édifices s’élevaient. Dans le terrain qui entoure le campanile, on a reconnu les restes d’un autre pavement en mosaïque, où se lit pareillement le nom de l’évêque Théodore. L’Autriche avait dédaigné de remettre au jour ces restes du passé, Ce sera, après la guerre, la gloire de l’Italie de nous rendre ce bel ensemble, monument insigne de l’art chrétien du IVe siècle, et où, comme l’a dit joliment un écrivain italien, « aux yeux du visiteur le plus rude apparaît toujours quelque chose d’impérialement romain .


Au temps où les Huns d’Attila s’abattirent sur l’Italie, Aquilée et sa basilique furent une de leurs plus illustres victimes. On montre encore à Udine la haute colline où, d’après la légende, le roi barbare vint s’asseoir pour voir au loin flamber dans la plaine la grande cité incendiée par son ordre. Une autre histoire nous est parvenue de ce temps. Pendant que, fuyant devant l’invasion, les habitants d’Aquilée allaient chercher un refuge dans les îles de la lagune et fondaient à Grado une ville nouvelle qui sera, de même que Torcello, comme une première ébauche de Venise, plusieurs d’entre eux, moins heureux, étaient tombés aux mains des barbares et avaient été emmenés en captivité. On les crut morts, et les femmes de ces disparus, restées seules, s’étaient, au bout de quelque temps, remariées. Mais certains de ces oubliés revinrent, et ce retour inopiné semble avoir mis en un grand embarras l’évêque d’Aquilée. Il en référa au pape, et celui-ci déclara que les liens du mariage légitime devaient être rétablis entre les maris revenus d’esclavage et les femmes trop empressées à contracter de nouvelles unions... Et cette vieille histoire — comme si les temps d’Attila étaient revenus — n’est-elle pas, ne pourrait-elle pas être une histoire d’aujourd’hui ?

Et c’est qu’en effet, à cette aube du XXe siècle, les temps d’Attila sont revenus. Le 13 mai dernier, au moment ou commençait sur le Carso l’offensive italienne, des avions autrichiens survolèrent la basilique d’Aquilée. Une première bombe creva la toiture du transept droit, et c’est miracle qu’elle n’ait produit au dedans de l’église que des dégâts presque insignifiants. Une bombe incendiaire suivit, destinée à mettre le feu à la charpente de bois qu’on espérait avoir abattue à l’intérieur de l’édifice ; par bonne fortune, celle-là manqua le but et s’écrasa dans un champ voisin. Ne cherchez point dans quelque nécessité militaire la raison de cette agression brutale. Sur la lande déserte où près d’un village misérable, s’élève la basilique d’Aquilée, il n’y a rien qui se rapporte à la guerre, pas une usine, pas une tranchée, pas une batterie, et pas un observateur ne monte au sommet du haut campanile. N’imaginez pas davantage quelque erreur par où se puisse excuser cette tentative de détruire un monument illustre. Il est impossible de ne point reconnaître — l’attaque eut lieu en plein jour — l’église et la tour puissante qui se dresse à son côté. Non : les oiseaux dévastateurs sont venus fondre sur Aquilée comme ils sont venus fondre sur Venise, pour la joie de ruiner à jamais quelque œuvre d’art fameuse, pour le plaisir sauvage de se venger sur quelque monument insigne des échecs éprouvés sur les champs de bataille. Le bombardement d’Aquilée a été la réponse — une réponse de Huns ou de Vandales — aux succès remportés par les Italiens sur le Carso, de même que, en août 1916, la réponse à la prise de Gorizia avait été, à Venise, la destruction de Santa-Maria Formosa et les bombes jetées tout autour de Saint-Marc et du Palais ducal. Et de même, notre cathédrale de Reims a payé d’une ruine grandissante chaque échec allemand ; de même Ypres a brûlé tout entière pour venger les défaites subies sur l’Yser et dans les plaines des Flandres ; et c’est pour cela aussi qu’il ne reste à peu près rien de Soissons ou d’Arras, et que le fier château de Coucy, merveille de notre architecture féodale, n’est plus qu’une ruine lamentable.

Attila, qui n’était qu’un barbare, recula devant saint Léon, et sentit obscurément qu’en la personne du pontife s’incarnait, avec la majesté de l’Église du Christ, tout un long passé de civilisation glorieuse. Ces scrupules de Hun ne sont plus de notre temps : c’est un titre de gloire aujourd’hui d’anéantir un monument où s’évoque un beau morceau d’histoire illustre. Reims, l’église du sacre, ou Saint-Marc, le palladium de Venise. Aquilée, au même titre, était désignée à la destruction. Trop de souvenirs fameux s’attachent à son nom, flottent autour de sa basilique : elle aussi, dans la présente guerre, a toute la valeur d’un symbole.


Aujourd’hui Aquilée n’est plus qu’une pauvre bourgade, où vivent quelques centaines d’habitants à peine. Elle fut jadis une grande ville qui, durant de longs siècles, fut au fond de l’Adriatique la représentante glorieuse de la civilisation latine. C’est là que l’empereur Auguste avait établi son quartier général, « pour suivre de plus près, ainsi que le rapporte Suétone, les guerres de Pannonie et de Germanie ». C’est de là que partaient les routes magnifiques par lesquelles, remontant la vallée de l’Isonzo, les légions portaient au delà des Alpes, avec leurs armes victorieuses, la civilisation chez les barbares, — ces mêmes routes que devaient suivre plus tard les soldats de Bonaparte, et qui, aujourd’hui encore, mènent au cœur de l’Autriche. Aux confins de l’Italie, Aquilée était la forteresse puissante qui couvrait la péninsule et surveillait les mouvements tumultueux du monde germanique. Et elle était aussi le grand port de commerce où les richesses de l’Orient, arrivant par la voie de l’Adriatique, se rencontraient avec les produits qui venaient du Nord, et jusque des rivages lointains de la Baltique brumeuse. Dans les salles du musée d’Aquilée, de ce musée d’où les Autrichiens, à la veille de la guerre, ont emporté plus de 1 500 pièces choisies parmi les meilleures, les statues, les inscriptions, les bijoux, les médailles, les bronzes, et les verreries aux reflets irisés, et les mosaïques aux couleurs joyeuses, et les objets taillés dans l’ivoire ou dans l’ambre, tout ce qu’a rendu au jour le sol à peine exploré encore de la cité disparue, évoquent puissamment à la mémoire sa gloire d’autrefois. Et parce qu’elle évoque à la fois tant de souvenirs et tant d’espérances, parce qu’elle est comme la preuve tangible des droits de l’Italie sur cette terre, Aquilée est pour les Autrichiens l’objet d’une implacable haine. Et pour cela aussi, entre tous les monuments des territoires reconquis sur l’Autriche, sa vieille basilique est, de la part des Italiens, l’objet d’une vénération et comme d’une tendresse particulière. « Il faut avoir vu, dit un écrivain italien (1), aux premiers mois de notre guerre, nos soldats entrer dans la basilique ou dans le musée d’Aquilée, reconnaître avec stupeur dans ces mosaïques, ces colonnes, ces statues, ces bronzes, ces verres, Rome, Naples, Pompéi, Venise. C’était la preuve tangible du droit qu’ils avaient d’être là, en armes et victorieux. Et la foi des plus incultes n’était pas la moins émouvante. » C’est pour cela que le haut commandement italien a tenu à laisser ouvert, en pleine guerre et à quelques kilomètres du front, ce musée tout rempli des souvenirs de la grandeur romaine ; que, dans l’antique basilique, il a, tout en le protégeant soigneusement, laissé à découvert le pavement de mosaïque, comme une matière proposée à l’admiration et aux méditations aussi des visiteurs. C’est pour cela que, plus d’une fois, en des jours de fêtes solennelles, il a rassemblé sous les voûtes majestueuses de la vieille église la foule de ses soldats ; et c’est pour cela enfin qu’autour du sanctuaire il a fait enterrer pieusement les morts des premières batailles — comme pour une prise de possession éternelle.


Dans l’ombre du campanile d’Aquilée, le long d’une petite rivière mélancolique, un vieux cimetière s’étend au chevet de la basilique. Peu d’endroits sont d’une beauté plus émouvante. Un rideau de cyprès noirs met son ombre au-dessus des tombes ; des roses et des lauriers fleurissent les sépultures ; et entre les tertres funéraires étroitement pressés, sous les petites croix de bois blanc alignées en longues files monotones, des touffes folles de coquelicots en fleurs mettaient, en ce matin de juin où je le vis, comme une traînée de sang sur ce champ de mort où reposent des soldats héroïques. Au loin, le canon tonnait sur le Carso, et de sa grave et formidable symphonie il semblait bercer le sommeil éternel de ceux qui donnèrent leur vie pour la patrie. Et sous le grand soleil radieux, qui dorait les murs de l’antique basilique, une sérénité calme, une paix profonde semblaient monter de cet enclos funèbre. La mort y semblait sans tristesse. Et au-dessus des tombes, sur une plaque de marbre scellée au chevet de l’église, flambaient en lettres d’or, comme une pieuse prière et un suprême hommage, trois beaux tercets de d’Annunzio.


Personne n’a oublié ces discours admirables où, au mois de mai 1915, à Quarto devant le monument des Mille, à Rome sur la pente du Capitole, l’éloquence enflammée du poète acheva de précipiter l’Italie dans la guerre, où il fut vraiment l’interprète de l’âme nationale. « Sur la patrie, disait-il, se lève aujourd’hui un jour de pourpre... Heureux ceux dont la jeunesse est affamée de gloire, car ils seront rassasiés ! » Le capitaine Gabriele d’Annunzio a voulu être de ceux-là. Personne n’a oublié le vol audacieux qu’il fit au-dessus de Trieste et qui faillit, au retour, lui coûter la vue pour jamais. Tout le monde sait aussi comment, après de longs jours de souffrances fièrement supportées, il a repris son service au front et comment, dans une offensive récente, il a, en qualité d’officier de liaison, payé de sa personne au plus fort du combat, comme le plus humble des fantassins qu’il accompagnait à l’assaut.

Mais d’Annunzio n’a pas été seulement, parmi tant d’autres, l’un des héros de cette rude guerre que, pendant plus de deux ans, l’armée italienne a menée, avec tant de ténacité vaillante, tant d’endurance glorieuse, tant de succès triomphants, des plateaux du Carso aux Alpes du Trentin. Il en a été, en maintes circonstances, l’orateur et le chantre inspiré. Faut-il rappeler les paroles ardentes dont il saluait, il y a quelques mois, l’envolée de ces cent trente aviateurs qui s’en allaient, par une tactique nouvelle, porter sur les derrières de l’ennemi la dévastation et la terreur ? Faut-il rappeler cette admirable oraison funèbre, prononcée sur la tombe d’un compagnon d’armes aimé, tué aux côtés du poète dans l’assaut des tranchées autrichiennes ? Dans la basilique d’Aquilée, un autre souvenir s’impose, celui de cette Fête des Morts du 2 novembre 1916, où, devant la foule recueillie des soldats, d’Annunzio, en des vers émouvants, glorifia le sacrifice de ceux qui avaient donné leur vie et fut, une fois encore, l’interprète magnifique de l’âme italienne et de la patrie reconnaissante. C’est à ces « Psaumes », comme il les appela, à ce chant de deuil et de gloire, que sont empruntés les trois tercets inscrits au chevet de l’église, sur une plaque de marbre, au-dessus du vieux cimetière : et si imparfaite et pauvre qu’en puisse être la traduction, ils sont si beaux que l’on me pardonnera peut-être de l’essayer.

« O Aquilée, dame de tristesse, reine de douleur, tu conserves les prémices de notre force sous tes tertres de terre, à l’ombre des cyprès pensifs.

« Garde-nous dans ton herbe ces premiers morts, virginité d’un sang sacré, où semble refleurir un nouveau martyre, qui renouvelle en toi la mélodie du passé.

« La Mère appelle ses enfants : et sous tes voûtes le chant commence. L’hymne commence de ceux qui vont mourir, au moment où s’élève le divin calice. Que chez tout homme vivant le cœur tremble dans sa poitrine. Le sacrifice brûle entre l’Alpe et la mer. »


Aujourd’hui, dans le vieux cimetière tout rempli de morts glorieux, on n’ensevelit plus que rarement ceux qui tombent dans la bataille plus lointaine. Pourtant, en ce jour de juin où je la visitai, la basilique d’Aquilée, une fois encore, s’était parée pour une cérémonie funèbre : on y rendait les suprêmes devoirs à un capitaine de la compagnie cycliste du 3e régiment de bersagliers, tué la veille en avant de Monfalcone. Au-dessus de la nef, sur la tribune du chœur, en avant de l’autel, le cercueil reposait sur un haut catafalque, et sur les plis du drapeau national qui le recouvrait était posée une grande gerbe de fleurs. Un détachement de soldats en armes, ceux-là mêmes qui tout à l’heure, montés sur leurs machines, précédaient et encadraient le char funèbre, rendaient à leur chef les derniers honneurs ; en face d’eux, un groupe d’officiers accompagnait le camarade disparu au lieu du repos éternel. Dans le grand silence de l’église presque déserte, une voix grave et pure faisait monter les paroles du psaume : Beati mortui qui moriuntur in Domino, et tandis que le prêtre disait les prières liturgiques, le canon tonnant au loin saluait de sa basse profonde ces funérailles de soldat. Combien d’églises, depuis trois ans, pauvres églises de village ou somptueuses cathédrales, ont vu célébrer, avec la même simplicité émouvante, de semblables funérailles ! Combien de cimetières, asiles consacrés par les siècles aux côtés de quelque sanctuaire ou champs de repos improvisés presque sous le feu de l’ennemi, ont vu, autour d’une tombe ouverte, couler des larmes et des prières, ont entendu des sanglots à peine réprimés ! Sous les voûtes majestueuses de la basilique d’Aquilée, dans le vieux cimetière qui dort dans l’ombre du haut campanile, il semblait que la beauté des choses donnât à cette cérémonie funèbre un accent plus profond encore, une signification plus haute. Devant le cercueil, respectueusement salué, de l’officier italien tombé au champ d’honneur, le cœur s’en allait, en un hommage ému, à tous ceux qu’a fauchés cette cruelle guerre, ceux dont parle le poète,

Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie.


Note

(1) Ugo Ojetti, dans sa préface au charmant volume de l’abbé Celso Costantiti, Aquileia e Grado, Milan, 1916


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