« Le succès, inattendu et magnifique d’une double quête organisée en France et en Belgique » 

Le Gouvernement belge délègue un ministre d’État pour le représenter auprès du Comité international. Cependant, il entend rester seul juge du moment opportun de lancer l’appel dans les différents pays. Sa publication va d’ailleurs coïncider avec les fêtes nationales belges et avoir un grand succès.

« C’est un document de haute portée, une page vraiment éloquente. Signé par une série imposante des plus grands noms, il constitue à lui seul une manifestation mondiale. Ici, en Belgique, il a produit grande impression ». 1

Cet appel a été entendu. Ce sont plus de 300 membres d’académies et d’Universités appartenant à 31 États qui ont coopéré à la restauration de Louvain. Le président du comité anglais rappelait en 1918 que

« par cet acte de générosité, le monde savant ne rendrait pas seulement hommage à une des plus vieilles, des plus célèbres universités de l’Europe, en faisant de la restauration de la bibliothèque de Louvain son œuvre collective, il affirmerait les liens qui doivent unir les uns aux autres tous les foyers de culture, quels qu’ils soient, la garantie qu’ils se doivent les uns aux autres, que le patrimoine scientifique ou artistique accumulé par les siècles, doit être protégé, étant commun à tous ».2

Cette vaste mobilisation mondiale s’accompagne également de contributions plus modestes mais tout aussi essentielles qui illustrent bien la précédente citation.

Le Luxembourg belge, cruellement éprouvé par la guerre, a réussi à réunir 30 francs. Également, la lettre du Docteur Langlet, maire de Reims, demandant à faire partie du Comité, « notre concours réel sera plus important en raison des désastres que nous avons subis nous-mêmes ».3

Tout aussi symbolique l’effort de la Compagnie du Midi qui propose l’acheminement des livres jusqu’à Louvain, à moitié prix.

Rien n’est laissé au hasard, pour susciter l’adhésion populaire, Pierre Imbart de la Tour a l’idée de vendre des « cartes-vues » représentant les ruines de Louvain. Le Commissariat général de l’œuvre internationale de Louvain fait même paraître un bulletin périodique.

Le 28 juillet 1921, alors que les délégués des universités américaines posent la première pierre de la bibliothèque nouvelle, 200 000 volumes ont déjà été expédiés. Devant le succès de l’Œuvre, le recteur de l’Université de Genève propose même à Pierre Imbart de la Tour d’étendre son action à d’autres bibliothèques ayant souffert du conflit telles Nancy, Reims, Arras ou encore Belgrade.

La bibliothèque est inaugurée en 1928 sans que Pierre Imbart de la Tour n’ait pu voir son achèvement, en effet, il meurt à Bordeaux le 4 décembre 1925. Souvenons-nous que l’architecte du projet, Whitney Warren, lui avait d’ailleurs offert un dessin de la future bibliothèque. Jusqu’au bout, il continuera à plaider la cause de Louvain, notamment lorsque les membres de la Commission de réparations empêcheront les bibliothécaires allemands de se procurer des livres à hauteur de la somme de la valeur des livres détruits, soit 5 millions. Laisser sortir de l’argent d’Allemagne diminuait les chances de la voir s’acquitter de ses dettes.

Interprète des volontés de l’Institut de France, Pierre Imbart de La Tour était « l’âme de ce comité français » comme le surnommait le recteur de l’Université catholique de Louvain, Monseigneur Paulin Ladeuze. Dans une lettre de 1918, celui-ci parlait ainsi de l’Institut de France, véritable providence pour Louvain,

« l’hommage de sa [l’Université] gratitude (…) doit aller en tout premier lieu à la plus illustre des corporations scientifiques, à l’Institut de France. N’est-ce pas en effet à l’initiative de celui-ci que s’est formé un Comité international groupant les noms des plus estimés dans les divers milieux intellectuels, en vue de relever de ses ruines la bibliothèque de l’Université de Louvain et d’en faire par l’abondance et l’éclat de ses richesses nouvelles, un foyer de lumière et un monument impérissable. »4

Ironie du sort, la bibliothèque sera à nouveau détruite en 1940 par les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale.