Discours d'ouverture

par Léon Guignard

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Président

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Messieurs

Il a fallu cinquante et un mois de la guerre la plus atroce, et une immense coalition de peuples, pour avoir raison d’une puissance militaire dont l’orgueil monstrueux et la criminelle ambition avaient rêvé d’écraser la France et d’asservir le monde.

La paix est enfin venue avec le triomphe de nos armes. Pour la seconde fois, l’Allemagne a franchi, le seuil de la Galerie des Glaces, au palais de Versailles,... cette fois, pour signer l’aveu de sa défaite.

Le retour de nos provinces perdues, l’écroulement de l’œuvre bismarckienne, l’effondrement du militarisme allemand, marquent la fin de la menace odieuse qui, pendant si longtemps, a pesé sur le monde du poids si lourd de son insolence.

Par une matinée inoubliable, nous avons vu nos troupes victorieuses passer sous l’Arc de Triomphe et Paris a connu la fête la plus extraordinaire, la plus émouvante, qui se soit jamais déroulée dans le cadre unique de sa splendeur.

Rendons grâce aux Armées de la République et à celles de nos Alliés, à tous leurs chefs magnifiques, en particulier à ceux que nous avons la fierté de compter ici parmi nos confrères et dont, pour la première fois au nom de l’Institut, j’ai l’insigne honneur de saluer la gloire. Rendons grâce aux grands citoyens, nos confrères encore d’aujourd’hui ou de demain, qui, aux heures les plus sombres de ces longues années d’épreuves, n’ont jamais douté du salut de la Patrie ; à ceux dont la parole, toute pleine d’espérance et de foi, relevait les courages, quand parfois les courages semblaient s’émouvoir ; à ceux qui, apportant dans l’action une décision si clairvoyante et si ferme, ont su remplir avec tant d’éclat les devoirs de leurs charges et trouver, en toutes circonstances, pour exprimer les sentiments du pays, les mots dans lesquels on sentait passer le souffle même de la France, de ces mots qu’une nation inscrit à son livre d’or.

De quel prix nous achetons la libération, les mères, les veuves, les orphelins pourraient seuls nous le faire sentir. Nous aussi, nous pourrions répéter avec l’orateur antique : « La cité a perdu sa jeunesse, l’année a perdu son printemps » ; mais, si grande soit la détresse où nous laissent nos deuils, l’âme de la Nation est trop haute pour avoir été submergée par cette marée de douleur, et nous avons la consolation de penser que nos morts ont sauvé la liberté et fortifié la justice, contre l’emprise de ceux qui prétendaient imposer au monde la justification de la force.

Chaque année, aux grands anniversaires, nous reporterons nos pensées vers ces milliers de héros trop souvent anonymes, dont le sacrifice a permis ce triomphe. Comme les ombres des guerriers grecs qui écoutaient, du haut des promontoires,

Chanter sur leurs tombeaux la mer de Salamine,

nos chers morts entendront sans cesse monter vers leurs âmes fraternelles le murmure attendri d’une impérissable reconnaissance.


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